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INTERVIEW DE SAMIR BAALA (réalisée en mars 2009) Evidement, Baala c'est un nom bien connu de l'athlétisme, évidement le prénom de Mehdi vient en premier à votre esprit... sauf.... si vous êtes marathoniens!! En effet le grand frère de Mehdi, Samir, a été à deux reprises champion de France de la distance, et il fait plus parti du monde des forçats de la route que des pointes et de la piste aux étoiles. Courir longtemps, c'est ce qu'aime Samir Baala. Alors sur qui allais-je tomber? un membre de la famille Baala, va-t-il se la jouer star? Et bien.. Pas du tout je suis tombé sur une personne abordable, passionnée, chaleureuse, bref Samir n'est pas un marathonien pour rien!! Voilà une interview qui je l'espère vous permettra de mieux connaître Samir Baala.
Samir Baala: ça me fait plaisir que tu me dises ça, tu es le deuxième à me le dire, un journaliste des DNA (dernière nouvelles d'Alsace) s'y est intéressé et a écrit un article. Je suis notamment parti sur un sujet que je développe beaucoup sur le site et qui s'intitule "des hauts mur de béton au mur du marathon", je développe beaucoup cet aspect là sur mon blog, mais l'écriture c'est une de mes passions. Ce qu'il faut savoir c'est que moi je n'ai pas tout le temps été coureur, avant de courir je faisais parti d'un groupe de rap, et au tout début j'ai pas mal travaillé avec Abd Al Malik, un slammeur bien connu qui vient d'avoir une victoire de la musique, il avait un groupe à l'époque et j'ai pas mal joué avec eux, mais après moi j'ai décroché car j'ai dû partir à l'armée, faire mon service en Allemagne, et en rentrant je me suis mis à la course à pied. Justement qu'est-ce qui t'a donné le goût pour le sport et surtout bien sûr la course à pied! Tu sais moi à la base je ne pratiquais pas trop de sport, j'ai juste fait de la boxe thaïlandaise pendant deux ou trois ans, j'ai pas mal d'amis du milieu de la boxe d'ailleurs, ça m'arrive de faire des footings avec eux. Mais pour en revenir à la question c'est un peu mon service militaire en allemagne qui m'a amené à la course à pied. J'ai participé au cross du régiment et j'arrivais dans les 4 ou 5 premiers sans m'entraîner, et des gradés m'ont expliqué que je pouvais faire quelque chose dans ce sport et en rentrant du service j'ai essayé de m'y mettre, mais au début ça ne me branchait pas trop. Il a fallu que mon père me pousse un peu, parfois il me donnait rendez-vous au stade et je venais pas....Mais tu vois des bribes que j'ai de mon enfance, je me souviens et j'en parle dans mon blog, avec les copains, on faisait à celui qui aurait la chaussure qui allait le plus vite, mais c'est des trucs de gamin mais on y croyait vraiment, du coup on courrait parfois sans s'en rendre compte. De même on faisait des parties de foot, mais on n'utilisait pas de chronomètre, mon frère et moi on était dans une bande, on devait être une vingtaine dans la cité où on habitait, et à la fin les scores des matchs c'était 30-22, des scores de hand quoi!! Les matchs pouvaient durer de deux heures de l'après midi jusqu'à huit heures!! Et en fait je pense que ça a contribué à me donner une certaine endurance. Donc on faisait du sport de façon ludique, sans s'en rendre compte, mais j'ai jamais été dans un sport encadré. Et par rapport à ton frère, c'est toi qui l'a amené à la course à pied, ou vos chemins ont-ils été très différents? Et bien moi j'ai fait l'armée en 97 en Allemagne, et lui ça devait faire déjà deux ans qu'il faisait de l'athlétisme, donc je n'y suis pour rien. Lui il a commencé en cadet, il était déjà dans les meilleurs sur 1500m à l'époque dans sa catégorie. Et ça a pu t'influencer de voir que ton frère réussissait de bonnes choses en course à pied? si tu veux pour
moi c'était une fierté, donc je m'y suis intéressé, j'ai commencé à lire
un certain nombre de Puisqu'on parle de ça, j'ai vu sur ton blog que tu parlais souvent des coureurs à pied mythique, Steve Préfontaine notamment dernièrement, et as-tu eu des marathoniens que tu as admiré? Ben déjà comme je t'ai dit je suis venu à la course à pied à 22 ans, donc avant je ne m'intéressais pas trop à cela, et de plus je n'ai pas vraiment d'idole, ce n'est pas mon genre, à part Dieu. Mais disons que si je devais en citer un je dirais quand même Bikila, il a vraiment le marathon en lui, c'est le marathon personnifié. J'ai lu des livres sur lui, je le trouve impressionnant, il était d'un calme impressionnant, il ne respirait pas beaucoup, et puis il avait un côté félin, il courrait pied nu. Pour moi dans l'histoire du marathon c'est lui le plus grand.... Mais c'est vrai que les marathons ont souvent eu à travers l'histoire un côté imprévisible, tiens et on pourrait parler aussi de la première femme qui a participé à un marathon, à une époque où c'était interdit pour les femmes, ces gens qui ont bravé des interdits, tu trouves pas ça ailleurs dans une autre discipline, c"est vraiment une épreuve mythique et c'est cela que j'aime. J'allais te poser une question mais je pense que la réponse est toute faite, est-ce que tu préfères courir vite ou courir longtemps?
L'année qui a suivi ce marathon, tu as été champion de France au Havre, est-ce que tu t'étais présenté au départ de ces championnats avec l'ambition de viser le titre? Non je visais de faire le mieux possible, je m'étais très bien préparé, mais sur un marathon on sait jamais ce qu'il peut se passer mais j'étais assez confiant, toute la course j'ai suivi le premier, dès qu'il y avait un mec devant je me mettais en seconde position, là aussi je pense que j'aurai pu faire un meilleur chrono mais j'avais adopté cette stratégie de me mettre en embuscade derrière le premier, et je me suis échappé vers le 32ième kilomètre et j'ai gagné comme cela. Ca a été une surprise pour toi la victoire? C'est à dire que quand j'ai vu les coureurs au départ, il y en avait pas mal qui avaient de meilleurs chronos que moi, il y avait jean-pierre Monciaux qui venait de faire 2h14, Philippe Rémond qui était encore costaud, Stéphane Hanot, Olivier Guery qui avait fait 2h15, il y avait tout de même du beau monde au départ. Alors c'est certain que cette victoire m'a fait super plaisir. D'obtenir un titre de champion de France, ça a changé beaucoup de chose pour toi? Oui ça n'a peut-être pas changé mon quotidien, mais ça m'a apporté beaucoup dans le sens où ça m'a apporté une certaine reconnaissance. Déjà par rapport à mon frère, tout le monde me parlait de lui, ce qui ne me dérangeait pas du tout au contraire, mais si tu veux les gens me disaient "pourquoi tu ne fais pas du 1500m", les gens ne comprenaient pas. C'est vrai qu'au départ les gens me posaient des tas de question par rapport à mon frère, et si tu veux je répondais avec plaisir car pour moi mon frère c'est quelqu'un d'extraordinaire, mais quelque part je voulais aussi avoir ma petite place, et c'est vrai que d'avoir un titre de champion de France ça a été pour moi une fierté par rapport à ça, par rapport à mes parents. Quand je cours je ne cours pas que pour moi, je cours aussi pour Dieu et ma famille, ce sont mes deux piliers, car ce que je peux dire c'est que je ne dois rien à personne si ce n'est à ma famille. Dieu et ta famille ce sont les deux piliers sur lesquels tu te reposes? Oui tout à fait, je lisais l'autre jour un article sur l'américain Ryan Hall, il disait la même chose, si on peut courir vite comme ça quelque part c'est un don de Dieu, car ce n'est pas donné à tout le monde. Et puis moi je ne suis pas du genre à me plaindre si je fais une mauvaise course, car j'ai la chance d'avoir mes deux jambes et de courir, il y a beaucoup de gens qui aimeraient avoir cette chance, qui remplissent les hôpitaux. J'en vois beaucoup qui se trouvent toujours des excuses après une contre performance, parce qu'ils sont deuxième d'une course, mais il faut relativiser, ce n'est que de la course à pied.. Par contre tu vois, je suis quelqu'un qui oublie jamais ses échecs, quand je fais un mauvais résultat, je veux toujours absolument remonter la barre, et je peux donner deux exemples: le premier c'est les championnats de France à Dunkerque, cette année là je m'étais super bien entraîné, j'étais vraiment fort, je pouvais faire des séances comme 4x3000 en 8'40, bref j'étais super bien, et deux jours avant la course j'ai eu un accident de VTT, un mec a ouvert la portière devant moi je suis passé par dessus et je m'étais fait mal à ma rotule, mon genou avait doublé de volume. Malgré cela, j'étais allé tout de même à Dunkerque mais au bout de 5 kilomètres j'ai du abandonner car mon genou avait gonflé, tout de suite dans la foulée je suis retourné à l'hôtel, j'ai pris le train je suis rentré chez moi sans rien dire. Et ce jour là je m'étais dit "l'année prochaine je reviendrai" et donc l'année d'après je suis allé à Sénart et j'ai donc eu mon second titre de champion de France. Plus récemment j'ai été malade cet hiver, j'ai eu une bronchite et des pépins de santé, et aux régionaux de cross je finis habituellement un ou deux (quand il y a Pierre Joncheray) mais là j'ai fini quatrième, et deux semaines après, avec la rage, j'ai fini quatrième aux inter-régionaux. Comment expliques-tu cette faculté que tu as de rebondir? Ben, c'est pas compliqué chaque jour quand je me lève j'ai la rage, tu sais ma vie n'a pas toujours été facile, je veux pas non plus dire, il y a toujours plus pauvre et malheureux que cela, mais ce que je veux dire c'est que je me suis retrouvé à des époques de ma vie où j'étais dans des combines, j'étais plutôt dans une mauvaise passe avant de courir, et j'aurai pu me retrouver en prison, j'ai beaucoup d'amis à moi qui sont morts, alors maintenant je suis là, j'ai de la chance de faire du sport, je me plains pas, mais j'ai toujours cela en tête quand je me lève. Pour en
revenir aux championnats de France, tu vas visiblement être le dernier champion
de France avec la Moi ce que j'aurai vraiment aimé que la fédération mette en place, c'est un système de trials, comme ils font aux états unis. C'est à dire tout le monde se retrouve sur une course d'un jour et les quatre premiers sont sélectionnés, mais il faut pas que ça soit sur un grand marathon pour ne pas fausser les cartes, sur un "petit" marathon, ouvert qu'aux français et sans lièvre. Car moi je suis sûr d'une chose c'est que sur marathon tout peut arriver, même un mec en 2h10 il est pas sûr de gagner. Moi j'ai un record sur 2h18, mais ça me fait pas peur de courir avec un gars qui court en 2h12 dans la configuration que je viens de te dire. Même en organisant la sélection dans un marathon comme Paris, ça n'a rien à voir avec un véritable championnat, il n'y a plus l'aspect tactique. En plus j'ai cru comprendre que l'on vous avait fait quelques promesses quand à une sélection, à toi David Antoine ou encore Laurence Klein en vue d'une sélection pour les mondiaux de Berlin? Oui mais ça tu vois j'ai pas vraiment envie d'en parler car personnellement je n'y ai jamais cru. Quand on m'a dit cela à l'arrivée des France je me suis pas fait des films, et je me préparais pour la suite. Alors qu'est-ce que tu veux que je te dise, je vais aller à Paris, mais ce n'est pas avec le coeur, mais comme je t'ai expliqué je ne cours pas que pour moi, j'écoute les gens qui sont derrière moi, mon frère m'a beaucoup parlé et m'a encouragé à le faire, en me disant que j'ai une petite chance et qu'il serait dommage de pas la tenter, alors je vais l'écouter et tenter ma chance, mais comme je te disais j'aurai préféré que ça se passe dans une autre configuration de course. Le problème c'est que je lis dans certains magazines beaucoup de pessimisme au niveau du niveau du marathon, que c'était mieux avant, mais à côté de ça que fait-on pour donner aux jeunes l'envie de passer sur marathon? C'est pas en faisant le coup qu'on nous a fait là que tu donnes envie aux jeunes de monter sur marathon, quand en plus tu vois que le champion de France fait même pas une ligne dans certains magazines spécialisés, qu'il n'y a aucun retour tu te demandes pourquoi tu cours!! Parce que nous en participant aux championnats de France, on ne court pas pour l'argent, on court pour un titre, mais c'est important qu'il y ait un retour tout de même au niveau des médias et un peu plus de reconnaissance, car je ne cours pas que pour moi, mais aussi pour ma famille et tous les gens qui m'aident, mais si quand tu fais une perf et que tu gagnes un titre et que t'en a aucun retour, ben les gens qui t'aident ils vont pas forcément continuer, mais si tu veux pouvoir faire des stages pour t'entraîner, c'est important pour toi d'avoir au moins un retour quelque part. Et du coup quel va être ton objectif à Paris? tu penses que tu peux franchir la barrière des 2h16 qui semble être la barrière qualificative? J'attend ça depuis un bout de temps, j'étais pas loin lors du marathon de la Rochelle où j'ai battu mon record et réalisé 2h18, j'étais passé au semi en 1h07'10", donc sur les bases de 2h14 et j'ai perdu du temps dans les derniers kilomètres car je me suis retrouvé seul. Je passe en 1h36 au 30ième, donc je suis encore sur les bases de 2h15/2h16, mais il manquait de densité vers la fin et ça m'a pas aidé. A Paris j'ai cru comprendre qu'il y aurait de la densité, puisque à priori pas mal de monde vises les sélections, et moi j'aime courir dans un groupe. L'année dernière à Sénart j'ai eu le même problème du manque de densité, je me suis retrouvé seul à partir du 32ième, et comme en plus on avait été un peu trop lent au premier semi, le plus important après c'était de remporter la course. Donc j'ai fait 2h19 mais au train je pense que je pouvais aller plus vite. Et puis....Comme tu sais moi j'aime pas rester sur un échec, et ce dont on a parlé tout à l'heure, ça m'est resté en travers de la gorge et je pense qu'à Paris je vais y penser, et ça va m'aider (rires). Parce que en plus là je vais à Paris, mais à choisir si c'est pour ne rien obtenir, j'aurai aimé autant participer à un marathon comme Lyon pour y jouer la gagne... Si je bats mon record, que je fais moins de 2h16 et qu'à la fin on me dit que je ne suis pas sélectionné, ça va me faire bizarre!! Parle moi un peu de ton entraînement? t'es du genre à t'entraîner seul ou tu fais parti d'un groupe? Je m'entraîne beaucoup seul, mais j'essaie quand même les mardi et jeudi soir d'aller su stade de Hautepierre à Strasbourg, car j'aime bien aussi discuter de sport avec les gens. Pendant trente ans de ma vie j'ai habité dans des HLM à Strasbourg à deux pas du stade, donc j'ai eu cette habitude d'aller là-bas et je continue, car je connais les gens qui y sont, et j'aime discuter, échanger. Mais sinon pour mon entraînement c'est tout seul, et moi de toute façon depuis que je suis tout petit j'ai ce caractère solitaire, c'est une facette de ma personnalité.
Alors déjà j'habite à côté d'une forêt, et il y a deux parcours de santé pas loin de chez moi. il y a aussi une piste cyclable qui va jusqu'en Allemagne, le long d'un canal, elle fait 25 bornes, et comme je l'ai mesurée à la roue, je peux faire pas mal de séances de route là-dessus. Mais sinon j'aime aussi beaucoup m'entraîner sur la piste. Peux-tu nous décrire une semaine d'entraînement en préparation du marathon comme en ce moment? En règle générale je fractionne trois fois par semaine, souvent mardi, jeudi et samedi, là dedans c'est du traditionnel, je vais faire une séance courte et une séance longue en VMA, et derrière je fais ma séance au seuil le samedi et une sortie longue le dimanche. Là je viens d'enchaîner deux semaines à 165 bornes, et là je vais arriver dans mes deux plus grosse semaines, où je serai dans les 180/190 km. Tu fais toujours des semis pour te jauger avant le marathon? Ben avant je ne faisais jamais cela, mais l'année dernière avant les France j'avais fait trois semis en 1h07 en 5 semaines, j'avais servi de lièvre au marathon d'Annecy deux semaines avant les France de Sénart (d'ailleurs je me suis fait engueuler par chauchau car j'ai contribué à faire tomber son record du marathon d'Annecy, ça faisait 25 ans qu'il tenait!! rires) et j'avais pu voir que j'étais en forme, donc je savais que si je récupérais bien, j'avais de la marge et je pouvais faire une belle course. Heureusement, je suis quelqu'un qui récupère très vite. Cette année je pense faire le semi marathon de Metz le 22 mars, et là j'arriverai déjà je pense à me faire une idée par rapport au marathon de Paris. En fait la seule chose qui peut me faire renoncer au marathon de Paris c'est la chaleur, je n'aime pas cela, je me rappelle d'avoir fait les championnats de France au Mont st Michel en 2005 sous la canicule, j'avais fait quatrième des France, J'étais allé en stage au kenya, il faisait frais car on s'entraîne en altitude là-bas, puis une fois arrivé au Mont st Michel je vois 30° et là j'ai compris que pour moi c'était mort. Moi j'adore le froid, mais je déteste la chaleur, quand il fait froid, tu peux te couvrir et garder ton énergie, tandis que quand il fait chaud, tu peux faire ce que tu veux. Je me rappelle avoir remporté le marathon du Jura Alsacien sous le froid, ça ne m'a pas gêné du tout. Quels sont tes points forts? Moi mon point fort c'est le physique, je n'ai pas une super vitesse de base, mais par contre je récupère très vite. Tu vois je pense qu'il vaut mieux courir parfois comme moi en 2h18 et être régulier, que faire 2h10 puis être blessé pendant deux ans car pour faire de tels temps il faut vraiment tirer sur la machine et tu y laisses souvent des plumes. Comment fais tu pour concilier ta vie professionnelle et ton entraînement? Je suis coach sportif, je travaille pas vraiment dans le domaine de l'athlétisme mais plus dans le multisport, je travaille surtout pour des gens qui veulent perdre du poids, ou qui préparent des missions. là par exemple je travaille pour un ingénieur qui prépare une mission en antarctique. Alors j'ai pas énormément de clients mais ça me suffit pour être bien et à côté de cela j'ai du temps pour moi pour m'entraîner, et même parfois pendant que j'entraîne mes clients je peux m'entraîner en même temps, notamment pour tout ce qui est renforcement musculaire. J'ai un partenariat avec deux salles de sport sur Strasbourg, et donc quand je suis dans ces salles j'entraîne mes clients, et moi je m'entraîne en même temps lorsque c'est possible. Je collabore aussi au magasine runnersworld, qui est numéro un des ventes dans le monde et qui vient d'arriver en France depuis quelques mois. Je suis expert pour le compte de ce magazine, et je travaille avec Philippe Vogel qui est aussi journaliste à TF1 et qui habite tout près de chez moi. Et devenir entraîneur d'un athlète, ça te plairait pas? Oui pourquoi pas, s'il y avait une demande, je pense que je ne dirai pas non, mais ce que je fais en ce moment c'est vraiment quelque chose qui me plait, ce sont des gens qui partent parfois de zéro, il faut arriver à leur mettre en tête que le sport c'est quelque chose qui ne peut leur être que bénéfique. Même dans la vie de tous les jours, maintenant dans la société où on est, les patrons ils cherchent souvent des gens dynamiques, des gens qui bougent. Et puis en même temps quand je travaille moi ça me permet de décrocher, de penser à autre chose qu'à la course à pied. J'aime aussi la gym, la boxe, le rugby, je suis un passionné de sport, il n'y a pas que le marathon. Peut-être qu'un jour si j'en ai marre de faire du marathon je remettrai les gants de boxe.... J'ai également le projet d'écrire un livre, par rapport à mon frère. Je lui en ai déjà parlé, et je pense que un jour mon frère aura envie de mettre tout à plat, pour faire le point sur son parcours et sa carrière, et moi j'aimerai bien écrire ce livre et porter mon regard en tant que frère. Si tu veux l'objet du livre serait de parler de la carrière de mon frère avec le regard de quelqu'un de sa famille, et je pense que ça pourrait être intéressant. De toute façon moi j'ai toujours aimé écrire, je vois quand j'écris des articles sur mon blog, parfois ça me permet de revivre des moments forts de ma vie, de revenir sur le passé avec un autre regard, et j'aime beaucoup cela. Quand j'écris des choses j'aime beaucoup que ce soit imagé. Il y a un auteur que j'aime bien c'est Cocteau, et il y a aussi un livre que j'aime beaucoup qui s'intitule "la solitude du coureur de fond" de Alan Sillitoe. (NDLR: le thème: "Cette courte nouvelle est le récit intérieur d’un jeune délinquant à qui on a laissé la liberté de courir en endurance. La prison du comté espère tirer du prestige de ses performances mais le jeune athlète n’est pas dupe de l’intérêt qu’il suscite ! Tout au long de la course, il livre ses réflexions et mûrit le sale tour qu’il va jouer aux autorités de la prison") Justement puisque tu m'en parles est-ce que tu peux me parler des tes goût, notamment musicaux ou cinématographiques? Au niveau musical moi à la base j'aime tout ce qui est musique des années 80, bon ça va faire mec qui vit dans le passée (rires) mais pourtant c'est pas le cas je m'intéresse beaucoup à ce qui est actuel, mais c'est vrai que j'aime beaucoup de choses dans la musique des années 80, même tout ce qui est hard rock des années 80 mais par contre le hard rock actuel je n'aime pas. Après bien sûr j'écoute aussi du rap, mais quand j'écoute du rap, j'aime surtout les chansons qui donnent la pêche. Je suis aussi un inconditionnel de Renaud dont j'ai tous les albums, et je trouve aussi que c'est quelqu'un qui arrive à imager ses textes, et comme je t'ai expliqué j'aime beaucoup écrire comme ça, et Renaud ça il le fait très bien. Et pour l'anecdote, je me souviens que j'avais gagné le marathon du Jura Alsacien en écoutant le dernier album de Renaud pendant la course., en fait le marathon du Jura Alsacien je le faisais pour préparer un autre marathon, je devais même pas aller au bout au départ je pensais m'arrêter au trentième kilomètre, alors c'est pour ça je m'étais pris de la musique et notamment le dernier album de Renaud que j'ai écouté toute la course et je suis allé au bout finalement. Mais là aussi ce que je préfère chez lui ce sont ses vieilles chansons, celles des années 80. En fait tu vois j'aime tous les vieux trucs qui me rappellent ma jeunesse. Pour le ciné je vais t'avouer un truc j'adore ça à tel point que depuis dix ans je suis collectionneur de tickets de cinéma, je dois en avoir pas loin de mille, je suis abonné au cinéma, j'ai la carte UGC, et je vais souvent au cinéma. Mon film préféré c'est "amour chiennes", c'est un film mexicain qui raconte une histoire de destins croisés, vraiment super. sinon j'aime aussi beaucoup tous les films de Quentin Tarantino comme "réservoir dog", "true romance" ou "pulp fiction". j'ai bien ce genre de films, ceux ou il y a des histoires en plusieurs personnages, avec des romances à l'intérieur, ou aussi quand les personnages se retrouvent dans des situations difficiles. Des films je peux te dire que j'en ai vu des tas et des tas, mais il y en a certains qui sont tellement bidons, tellement prévisibles, certains films au bout de quinze minutes je connais déjà la fin. Alors c'est vrai que j'aime les films un peu imprévisibles, le dernier qui m'a beaucoup plus c'est le film de Clint Eastwood, "Gran Torino", car je m'attendais pas du tout à cette fin là. D'ailleurs Clint Eastwood il a fait des choses vraiment bien en tant que réalisateur, comme "milliard dollard baby" un de mes film préféré. J'aime beaucoup Rocky3, je crois que j'ai du le voir une cinquantaine de fois, et parfois avant une course je me met un petit "Rocky" et ça me donne la pêche (rires) Est-ce que tu me me parler de ta période rap que tu évoquais en début d'interview? En fait c'était au début des années 90, dans ma classe j'avais de bonnes qualités en rédaction, c'était un de mes point fort à l'école, et j'écrivais pas mal, et à cette époque j'ai entendu parler du mouvement hip hop et ça m'a donné envie d'écrire des chansons, et c'est comme ça que j'ai fait parti d'un groupe. Et il y avait un groupe au Neuhof qui s'appelait NAP, Abd al Malik en faisait parti, on a fait pas mal de concerts, des avants première de groupes comme Boney M, c'est un bon souvenir. Moi j'étais surtout celui qui écrivait les paroles des chansons. Alors je sais pas si j'ai inspiré Abd al Malik, je dirai pas cela car c'est quelqu'un qui est très intelligent, mais on était dans la même optique au niveau de l'écriture. On s'est perdu de vue depuis, je sais qu'il habite à Paris maintenant, mais j'ai été très heureux de ce qu'il lui est arrivé car c'est quelqu'un qui était dans une situation difficile, et de le voir avec une victoire de la musique ça m'a vraiment fait plaisir. Tu sais c'est quelqu'un qui a un gros talent au niveau de l'écriture, il a écrit un livre ("qu'allah bénisse la France" qui a été un best seller). j'aimerai te demander pour terminer comment tu vois ton avenir de sportif, comptes tu faire du marathon encore longtemps?Tu serais pas tenté par le trail toi qui aime courir dans la nature? Oui c'est vrai que j'y ai pensé faire du trail, car je suis quelqu'un qui est un amoureux de la nature, et je dirai que j'ai souvent fait des trails.. Mais tout seul...A une époque j'habitais Hautepierre, et à côté du stade il y a plein de villages, et quand j'allais courir là-bas je courrai dans les champs, et en fait je faisais du trail. Je n'en ai jamais fait sinon, sauf une fois l'an passé j'ai fait une course nature dans un endroit qui s'appelle la petite camargue, mais c'était court, ça devait faire que 16km, mais c'est vrai que ça m'a beaucoup plu. Mais maintenant je sais que c'est une discipline à part entière et qu'il faut se préparer spécifiquement pour y réussir quelque chose, donc je pense que quand j'en ferai ce sera pas forcément pour être devant avec un esprit de compétition, mais ce sera plus pour le plaisir. Je connais bien Thierry Breuil qui a gagné les premiers championnats de France de trail l'an passé et c'est vraiment quelqu'un de bien, je suis content qu'il l'ait emporté. Ceux qui font du trail la plupart du temps ce sont des gens vraiment sympathique et qui pensent pas forcément à la gagne mais avant tout à se faire plaisir, et ça me plait car moi je suis dans la même optique, se faire plaisir. Mais bon comme je t'ai dit le trail c'est une épreuve spécifique, regarde un gars comme David Laget qui a fait 2h16 sur marathon, il a du mal à gagner une épreuve comme les templiers, et même si je sais que ces derniers temps il s'entraîne plus comme il s'entraînait avant, le niveau est quand même élevé. Il faut pas se dire "je vaux tant sur marathon, je vais aller sur trail, je vais tout casser", c'est pas comme ça que ça se passe. C'est comme quand tu te décides à faire du cent bornes, chaque discipline est spécifique, il faut garder la tête sur les épaules. De toute façon ton objectif à court terme c'est encore de progresser sur marathon? Oui bien sûr
j'espère encore progresser, toute façon j'ai 33 ans mais je pense que j'ai
encore des choses à, Les éthiopiens ont toujours eu des coureurs d'exception, en ce moment il y a Bekele Bekele c'est extraordinaire, il est quand même monstrueux, c'est pas du tout la même façon de courir que Gebre, il court en cycle arrière, alors que Gebre c'est en cycle avant, mais chez Bekele tu sens vraiment une grande puissance qui se dégage quand il court. Maintenant sur marathon je ne sais pas si ça marchera, quand quand il tape par terre il a beaucoup de puissance, sur la piste ça renvoie, mais pas sur le macadam, et j'ai vu que récemment il s'était blessé sur un quinze bornes aux Pays-Bas où il a fait 43'15", il a essayé de battre le record du monde du quinze bornes mais il n'a pas réussi. Alors je sais pas s'il réussira aussi bien sur la route, mais en tout le cas ce sera comme pour Gebresselassie, il aura un gros moment d'adaptation. Puisque on parle de l'Afrique, tu disais que tu es allé deux fois t'entraîner au Kenya, c'est comment là-bas les conditions d'entraînement? C'est dur. La première fois je suis allé chez Moses Tanui, qui a gagné plusieurs fois le marathon de Boston, et qui a été recordman du monde de semi, sur mon blog d'ailleurs j'ai mis un lien sur la vidéo qui montre la controverse qu'il avait eu avec Gebresselassie qui lui avait marché sur sa chaussure une fois dans un mondial. En tous les cas il a gagné beaucoup d'argent et il a tout investi dans des affaires au kenya, et j'ai séjourné dans sa ferme, et je m'entraînais à Eldoret avec es kenyan qui courent là-bas. Il y a une route là-bas surnommée la route des coureurs, et quand tu cours tu rencontre plein de groupes de coureurs, c'est impressionnant, t'as l'impression que tout le monde court. La seconde fois je suis allé dans un camp d'entraînement à Kaptagat, c'est un plan que lui et Paul Tergat avaient mis en place à l'époque avec le docteur Rosa, déserté par les coureurs de très haut niveau, et donc il ne restait que les gens plus modestes, on était une trentaine dans le camp, t'avais des mecs qui n'étaient jamais sorti du kenya, mais qui en voulaient énormément, ils veulent se faire remarquer pour pouvoir sortir du kenya. Certains sont super fort, mais ils se flinguent à l'entraînement car ils ont rien d'autre à faire que de s'entraîner car il n'y a pas de course. C'est un peu comme si mois je partais sur un plan d'entraînement sur marathon et que mon plan au lieu de durer huit semaine dure une année entière. Mais c'est vraiment impressionnant, parfois on faisait des séances d'entraînement, par exemple 20 fois 400, on se retrouvait une trentaine à la queue leu leu, et t'a juste à te laisser amener, tu te retrouves au milieu du groupe, des mecs devant, d'autres derrière, et tu te laisses amener, et tous les jours comme ça, Fartleck, sorties longues, t'as tout le temps du monde avec toi, cette émulation j'ai beaucoup aimé. Je me suis retrouvé dans un "vrai camp", un camp sans électricité, avec des conditions de vie précaires, t'avais juste le droit de manger une assiette le midi, et une autre le soir, tu fais la queue pour manger, tu dois faire bouillir ton eau pour ne pas avoir de maladie. et dans ce camp, même le cuistot il courrait, il fait les séances avec toi, et tu le vois avec la bave qui coule le long des lèvres et tu te dis "putain c'est lui qui va te faire à manger tout à l'heure!!" (rires) C'est toi qui avait fait ce choix du camp? Oui j'étais parti avec un jeune de Paris qui en veut, on est parti un peu à l'aventure, j'aime bien l'effort comme ça et les trucs un peu imprévisibles, on va là-bas, c'est le kenya, on se débrouille. Mentalement ce n'était pas dur? Si c'était dur, le plus dur c'est le matin, tous les matins tu pars à jeun à 6 heures, tu peux faire des fartleck, c'est pas évident, et parfois t'avais des séances de piste à 9h30, et t'as déjà fait un premier entraînement à 6 heures, et ce qu'il faut savoir c'est qu'entre temps parfois tu ne bois que du thé, sans sucre, sans pain, donc imagine, tu viens de faire plus d'une heure et demie de footing, tu reviens, et tu n'as que du thé. mais tu sais on en rigolait, le chef du camp (c'est à dire celui qui va le plus vite) il boit en premier le thé, et quand il te disait "médecine" c'est qu'il n'y avait pas de sucre, alors on commençait tous à rigoler, c'est à dire t'es dans la difficulté et tu rigoles, c'est ça que j'ai bien aimé là-bas. Parce que c'est quand même une galère, tu te retrouves pendant plus d'un mois sans électricité (eux c'est presque toute l'année), et tu en rigoles quand même, ça prouve que le sport c'est quelque chose qui rapproche les gens. Donc cette expérience ma marquée, surtout le deuxième fois!! je te jure mon matelas c'était une semelle!! je sentais les lattes qui me tapaient les hanches et les côtes, parfois j'avais du mal à dormir la nuit. Pour l'eau tu dois tirer l'eau froide du puits, pour aller aux toilettes c'est des cabanes à l'air, à midi tu manges ton assiette de riz.; bref c'est une expérience incroyable!! J'avais appris à jouer au huit américain, et je l'avais appris à des kenyans comme ça l'après midi on jouait pour tuer le temps, j'avais acheté avant de partir l'équipe magazine, et je crois que ce magazine je l'ai lu et relu, même les pubs je les connaissais par coeur car là bas à part courir t'as rien à faire. D'ailleurs y'avait une tenniswomen russe en photo dans le magazine, je l'avais découpée et collée au mur (rires). Y'a des femmes dans le camp ou il n'y a que des hommes? Si il y a aussi des filles dans le camp. Les chambres c'était dans de petites maisonnettes où tu es à deux et à l'intérieur tu as juste ton lit, chaque maisonnette porte le nom d'un grand marathon, t'as la maison Venise, Londres, New-York...Et dans le camp la journée tu as des vaches qui rentrent brouter. Là bas les routes où tu cours elles sont en terre, et c'est uns sorte de terre rouge qui se met sur les chaussures. Mais sinon c'est magnifique là-bas, tu vois le Kilimandjaro, et tu es à 2500m d'altitude. Et certains parcours là-bas ce sont des parcours de la mort, Moses Tanui venait s'y entraîner quand il préparait le marathon de Boston qu'il a remporté trois fois, et il m'a dit qu'il lui arrivait de faire 300km par semaine, c'est hallucinant! Et quand tu vois les parcours qu'il y a , c'est monstrueux!! D'ailleurs le concernant j'ai été très triste d'apprendre que sa femme est récemment décédée, elle était très gentille et ils avaient trois enfants. Tu penses y revenir un jour? Les kenyans sont-ils accueillants envers les coureurs étrangers? J'y suis déjà allé deux fois et comme on dit souvent, jamais deux sans trois. C'est vrai que c'est difficile mais ces stages dans la difficulté ce sont mes plus beaux souvenirs, car dans la difficulté tu te rapproches beaucoup des gens. Quand aux kenyans il sont très respectueux, car ils savent que tu quittes ton confort pour faire quelque chose de difficile. Ils comprennent pas toujours, ils s'imaginent que t'es riche, alors tu leur explique combien sont les loyers, tous ça, ils sont étonnés, quand tu leur parle des HLM, ça leur fait un choc. Le coût de la vie au kenya est cent fois moins élevé qu'en France, alors c'est certain que pour les kenyans, ça vaut le coût de courir en France même pour gagner 200 euros, c'est pour ça qu'on en voit de plus en plus en Europe participer à des courses de deuxième niveau. Nous quand on participe à une course et qu'on gagne 150 euros, c'est rien, mais pour eux ça représente 15000 schillings, et pour eux c'est beaucoup avec le niveau de vie qu'il y a au kenya. Donc en fait un coureur kenyan moyen, de mon niveau, il vient deux ou trois ans en France et s'il sait mettre de côté, en deux ou trois ans il a de quoi acheter sa maison et avoir son petit troupeau au kenya, alors que nous en France il faut que l'on ait un boulot à côté. Donc quand certains organisateurs disent "les kenyans ils courent pour rien", c'est pas vrai, la vérité c'est que pour eux c'est pas la même échelle de valeur. Mais cela n'enlève rien à leur mérite car ils en ont énormément, car chez eux quand t'es dans la merde, il n'y a pas d'aide sociale, t'es vraiment dans la merde, le RMI ça n'existe pas. Tu sais j'ai fait des stages aux états-Unis, en Afrique du Sud avec mon frère, ou au Maroc à Ifrane, mais au kenya, pas une seule fois quelqu'un est venu me demander quelque chose, je voyais des mecs avec des trous dans les chaussures, mais jamais ils ne m'ont rien demandé. |