INTERVIEW DE CHRISTELLE DAUNAY

INTERVIEW DE CHRISTELLE DAUNAY

L'exploit de ce début d'année est sans conteste à mettre à l'actif de Christelle Daunay, la recordwomen de France a réalisé ce que le marathon français attendait depuis longtemps, faire descendre le record de France féminin dans des temps de haut niveau. En réalisant 2h25'43", Christelle est rentrée dans l'histoire du marathon français, n'ayons pas peur des mots. Cette interview a été réalisée la semaine qui a suivi cet exploit, histoire d'en reparler à tête reposée.

Marathoninfo: félicitations bien sûr pour l'exploit que tu as réalisé, battre le record de France de près de trois minutes, c'est quelque chose que l'on ne voit pas tous les jours. Pensais-tu toi même pouvoir réaliser un tel temps?

Autant non, mais disons que quand j'ai battu une première fois ce record l'année dernière à Osaka, je savais que je valais mieux que 2h28, car j'avais réalisé ce record dans des conditions qui n'étaient pas idéales, avec un parcours qui n'est pas évident, plus le froid et la neige à la fin, puis ensuite il y a eu les JO et là aussi les conditions au mois d'août sont pas idéales et je n'ai réalisé "que" 2h31'. Donc là je m'étais bien préparée et je m'étais fixé 2h26'40" comme objectif, disons un temps inférieur en 2h27 avec un passage au semi en 1h13'20". Or là je suis passé au semi en 1h12'48", donc je suis parti un peu plus vite que prévu, et je ne m'attendais pas à finir avec plus d'une minute d'avance sur le temps que j'avais prévu. 2h26' c'est quand même une perf de haut niveau mondial, alors finir en dessous je m'y attendais pas.

Et comment expliques-tu ton départ rapide, est-ce le fait que tu te sentais bien, ou t'es-tu laissée un peu grisée par la course?

Déjà le premier kilomètre est en descente, donc il faut quelques kilomètres pour se régler, et au 5ième on passe encore vite, et j'avais pas de souffrance particulière au niveau des jambes au passage au semi. Mais bon le semi c'est encore tôt dans la course, il faut s'attendre à avoir le contre coup d'un départ rapide à partir du 25/30ième kilomètre. Donc au passage au semi c'est vrai que j'ai eu un peu peur, je me suis interrogé, je me disais que je ne pourrais m'en prendre qu'à moi-même si je me prenais le mur. J'ai douté jusqu'au 30ième, et finalement j'ai pas eu d'effets néfastes et j'ai tenu jusqu'au bout sur les mêmes bases. Mais c'est certain que j'ai douté après mon départ rapide mais j'ai continué de positiver en me disant ben si tu craques tu craques mais il faut essayer de tenir jusqu'au bout comme ça, et puis je me disais aussi que j'avais de la marge et que même si je faiblissais un peu je pouvais quand même battre le record de France. Donc voilà j'essayais de me rassurer comme ça.

Mais est-ce que pour réaliser des temps comme celui que tu as fait il ne faut pas prendre des risques justement?

Oui c'est sur qu'il faut prendre des risques, mais à l'arrivée on m'a dit que j'étais on va pas dire fraîche (car sinon je serai aller encore plus vite) mais moins cassée que certains, mais il est sûr que si j'étais partie avec les premières on ne m'aurait pas vue à l'arrivée, donc c'est sûr qu'il faut prendre des risques mais calculés. A Osaka j'étais déjà passée vite, en 1h13'10", donc je savais ce que c'était de partir vite puisque j'en avais déjà fait l'expérience, donc après il fallait avoir les jambes le jour J pour encaisser.

A quel moment as-tu senti que ça allait passer?

Au 30ième déjà je me disais il ne reste que 10km donc ça ne devrait pas être mal, mais en fait c'est au 36ième kilomètre, après le faux plat qu'il y a vers le bois de Boulogne, une fois cette "côte" passée, je savais que c'était plus que du plat, et c'est vraiment à ce moment là que j'ai compris que j'avais les jambes pour finir, et en plus on revenait sur la troisième fille.

Justement tu as commencé à penser à la place ou est-ce que tu n'as pensé qu'au temps tout au long de la course?

Je me suis battu à partir du 39ième kilomètre, quand je l'ai eue en point de mire, car avant on me disait "elle est pas loin!" mais moi je ne la voyais pas et donc je pensais que ce n'était pas réalisable, mais quand je l'ai eue en point de mire, là oui je me suis dit ça serait encore plus beau, le record de France à Paris avec à la clé une troisième place, c'est la totale, et donc j'y suis allé.

C'est ton second podium sur le marathon de Paris, la saveur de ce dernier devait être encore plus agréable non?

Bien déjà le premier podium c'était déjà une joie intense car c'était mon premier marathon et j'avais fait une belle course, mais alors là c'est vrai que c'était encore plus fort, déjà d'annoncer qu'on veut pas le record de France à l'avance, ça peut paraître prétentieux car ce n'est jamais évident surtout sur marathon, donc de l'avoir fait, être présente le jour J et faire un podium avec un record à la clé, c'est magnifique.

Penses-tu avoir réalisé la course parfaite dimanche?

Dans la gestion de la course, je pense que oui. Après je ne sais pas peut-être que je peux prendre encore un peu plus de risques, mais sincèrement je pense avoir bien géré ma course.. Bon j'espère qu'il y aura encore mieux les fois d'après mais pour ce jour là je pense avoir fait au mieux.

Justement, après avoir réalisé un tel exploit tu vas être désormais attendue, ça va te donner des obligations encore plus grandes, tu n'as pas peur que tout cela te mette une pression supplémentaire et que ça te paralyse un peu, ou que au contraire tu prennes trop de risques dans tes prochaines courses, ça risque de pas être facile à gérer maintenant.

J'espère que ça sera de la pression positive, mais je ne pense pas car déjà pour cette course, c'est pas que je m'étais mis la pression, mais j'avais à coeur de réussir, donc je pense que j'évoluerai de la même façon les prochaines fois, après je pense que mon entourage saura me guider comme il l'a fait ce week-end, et que mon entourage me mettra sur le bon chemin si je n'y suis pas, mais il n'y a pas de raison pour que je me mette la pression, au contraire je vais essayer d'apprécier de participer à d'autres grands marathons, et faire parti des bons chronos, non au contraire c'est un plaisir.

Puisque tu parles de ton entourage, le fait que ton compagnon ait fait la course à tes côtés, c'est un plus pour toi, c'est rassurant?

Oui tout à fait, déjà il m'aide au niveau des ravitaillements, au niveau mental il me donne l'allure.... Enfin disons plutôt c'est moi qui donne le tempo, d'ailleurs il n'était pas devant moi, on était côte à côte, par contre lui il me disait "attention là tu vas trop vite" , car il y a certains endroits comme au semi par exemple où il y a plus de foule, on est porté par le public, on a tendance à accélérer et lui dans ces cas là il me disait de pas m'emballer, où alors il me prévenait qu'il allait y avoir une côte, et de la monter tranquille avant de repartir, donc tu vois c'est plus un guide, et j'ai une confiance totale en lui, donc tout ce qu'il me disait je prenais, je savais que c'était pour faire un bon chrono.

Vous vous entraînez aussi ensemble?

Alors on s'entraîne ensemble mais on fait chacun notre programme, je veux dire par là que l'on va s'entraîner ensemble mais on ne fait pas les mêmes séances, étant donné que lui c'est un bon coureur de semi marathon, il a un chrono en 1h05" et 30' sur 10 km, et je ne veux pas qu'il mette de côté son propre entraînement pour moi. Par contre il a rajouté dans son programme deux ou trois sorties longues pour s'habituer quand même un peu à la distance du marathon, car on ne peut pas prendre à la légère de faire 2h25', ce n'est pas un effort anodin, d'ailleurs les premières fois qu'il a fait ses sorties longues, il a souffert.

Sur ton entraînement, avais tu changé quelque chose par rapport à tes précédents marathons?

Non j'avais gardé les même principes, par rapport à 2007 ou à Osaka, d'ailleurs c'est marrant de faire la comparaison à 2007 parce que j'avais fait les Europe de cross en hiver comme cette année, j'avais été championne de France de cross comme cette année aussi, donc c'est à peu près la même saison sauf que j'avais pas fait de semi marathon en 2007, plus une adaptation à la météo qui était plus défavorable cette année, avec le froid et le vent.

Et ta victoire aux France de cross plus un bon temps au semi de Rome (1h10'), c'est ça qui t'a donné la confiance?

Bon de toute façon dès que j'ai annoncé ma participation à ce marathon, mon objectif était le record de France, et après le titre et le semi montrent que la préparation effectuée est bonne, mais ça ne veut pas dire que 5 semaines plus tard ça passera sur le marathon, donc c'est plus un indicateur sur l'état de forme du moment, mais c'est sur que ça me rassurait, ça me disait que mon entraîneur avait raison dans ce qu'il a fait. Mais j'ai vite oublié les perfs pour revenir à l'entraînement, et se dire que c'est un marathon et que c'est une épreuve bien différente, ce qui permet de relativiser.

Tu as fait 4 marathons et tu les as tous réussi, je ne pense pas que ta vingtième place aux JO de Pékin puisse être considérée comme un échec, tu l'as ressenti comment tiens justement?

Comment dire, je suis satisfaite de cette performance, mais j'ai quand même souffert sur la course des JO car j'ai eu des troubles gastriques dès la mi-course, et je m'étais fixé comme objectif une place entre 12 et 16 avec un meilleur chrono que celui que j'ai réalisé, mais finir en 2h31' sur une course de championnat au final j'étais tout de même plutôt contente. Donc voilà sentiment mitigé, même si au final et en relativisant c'était finalement une bonne perf.

Et donc là où je voulais en venir c'est que c'est plutôt rare de voir un athlète qui réussi bien son premier marathon et qui ensuite est régulière dans ses performances et même les améliore encore, ça prouve que tu sais très bien te préparer. Avec qui et où t'entraînes-tu?

Je pense oui pour l'instant je dois dire que je suis satisfaite, mon entraîneur Cédric Thomas m'amène en forme au jour J, ça veut dire qu'il m'a préparée physiquement. Pour ma part je m'entraîne donc à Paris, mais pour préparer le marathon je suis parti 8 semaines sur Lyon, car nous habitons Paris centre, et pour préparer un marathon c'est difficile, et donc je vais à Lyon car au niveau des installation c'est bien, on a tout ce qu'il faut pour s'entraîner, et mon entraîneur est sur Lyon. Ainsi quand je vais là-bas il peut regarder quelques entraînements. Par contre habiter Paris ça m'a permis de me remémorer les rues où on passait pendant le marathon quelques jours avant.

Et donc maintenant que tu as atteint cet objectif de battre ton record de France, quels vont être tes futurs objectifs?

Déjà de bien récupérer (rires), bon là déjà je commence à aller mieux physiquement (l'interview s'est faite 4 jours après la course), mais je suis bien fatiguée nerveusement, ça a pris le dessus sur le physique, j'ai des petits coups de barre dans la journée. Et maintenant je vais plutôt m'orienter vers la piste pour essayer de battre le record de France du 10000 mètres. J'avais fait une tentative l'an passé mais je n'ai pas réussi, en fait j'aimerai beaucoup avoir ce record aussi, j'essaye depuis deux ou trois ans mais je n'y arrive pas. et puis ça me permet de retravailler ma vitesse et ainsi j'alterne un peu route et piste, car j'aime bien de temps en temps garder ce contact avec la piste.. C'est comme pour les cross en hiver.

Donc on ne te verra pas aux mondiaux de Berlin, qu'est-ce qui t'as incité à prendre cette décision?

J'avais annoncé mon souhait avant le marathon de Paris, pour moi si tu veux, je trouve que quatre moi c'est court pour refaire une performance d'un certain niveau, pour mon organisme c'est difficile d'enchaîner deux performances, et je ne me sentais pas capable de repartir quatre moi après, après je crois que c'est propre à chacun mais pour ma part je le ressens ainsi.

C'est la raison qui t'avait poussé à faire le marathon d'Osaka tôt dans l'année pour pouvoir participer aux JO en 2008?

Oui voilà, et je voulais aussi faire un deuxième marathon avant les jeux pour gagner en expérience, c'était un marathon féminin, au Japon, avec un décalage horaire, donc c'était une très bonne répétition avant Pékin.

Donc on ne te verra pas du tout sur marathon à l'automne prochain?

EUh...... Non, pour l'instant ce que j'ai en tête ce sont les championnats d'Europe l'année prochaine à Barcelone. Si le chrono de Paris compte pour l'année prochaine, car je ne sais pas comment se feront les sélections, si je ne suis pas blessée, je me suis engagée à y participer. J'ai vraiment en tête cette date car j'aimerai faire une perf dans un grand championnat, car c'est ce qui manquerait un peu à mon palmarès.

Avec ton dernier chrono tu as en effet certaines chances, même si on peut remarquer que le niveau féminin en Europe est élevé et que contrairement aux hommes les africaines ne dominent pas franchement les européennes

Oui tout à fait, les russes, les allemandes et les anglaises notamment ont un très bon niveau. L'Afrique domine mais il y a plus de concurrence au niveau Européen.

Tu penses pourvoir encore améliorer ton chrono, et est-ce que tu n'ambitionnes pas de participer à un gros marathon comme New-York, Berlin ou Londres avec des chances de bien y figurer?

C'est sûr que grâce à ce chrono je pense que certaines portes vont s'ouvrir, alors oui je suis prête. J'ai tout de même déjà couru à Osaka, même s'il est moins connu que les marathons que tu viens de citer c'est quand même un gros marathon féminin, donc j'ai déjà pris le départ d'un grand marathon, et en effet je me sens prête à participer à un des trois marathon que tu as cité, celui qui voudra bien m'accueillir (rires)... Et est-ce que je peux encore progresser? ben j'espère encore un peu, mais cette fois ce ne sera pas à coups de minutes, je pense que la marge que j'ai est beaucoup moins grandes maintenant, mais je peux sans doute encore gagner quelques poignées de secondes, mais ça ne se jouera pas à grand chose. C'est pour ça d'ailleurs que j'essaie de gagner encore en vitesse pour essayer de progresser encore.

Est-ce que tu t'es fixé des objectifs dans la durée, tu penses pouvoir tenir ce rythme combien de temps encore?

Je ne m'en suis pas trop fixé, c'est vrai qu'après Pékin j'ai vraiment souffert pour revenir à mon niveau, les mots de ventre que j'ai eu pendant la course m'ont épuisé, je suis allé au delà des limites, et mon corps à mis beaucoup de temps à récupérer après cela. A ce moment là j'ai eu un doute, je n'avais pas trop envie de me remettre dans cet état, mais j'ai laissé le temps, j'ai repris des forces progressivement, donc en fait mon corps jouera sans doute un rôle déterminant pour la suite de ma carrière si un jour il en a marre!! Mais j'avoue que là, après Paris, la perf aidant, je me sens prête à repartir, mais je ne vais rien précipiter pour ne pas me blesser. Mais en tous les cas je sens déjà que j'ai envie de faire un marathon,   je pense que c'est ma perf qui m'a donné cette envie là. Mais peut-être qu'au prochain je n'aurai pas envie, on ne peut pas savoir!! Mais c'est vrai qu'avec l'âge je vois les objectifs moins loin, presque par deux ou trois mois. Là par exemple j'ai le 10000 mètres en tête et après je verrai, comme cette année en janvier j'avais dans la tête le marathon de paris mais je n'avais rien fixé après, je me disais "on verra", déjà par rapport à mon corps ainsi également à l'envie qui peut évoluer au fil du temps. je vois les choses plus à court terme.

Tu parles du corps, j'ai vu que tu étais kiné de métier, que tu as mis entre parenthèse en ce moment, et Corinne Raux qui était la meilleure française avant toi était également kiné, est ce que c'est un avantage d'avoir un métier où on connaît bien le fonctionnement du corps humain?

Oui tout à fait, c'est un plus parce que je peux détecter les signes avant coureur d'une blessure, quand j'ai le début d'une petite tendinite, ou une contracture ou élongation, ben je sais déjà comment me prendre en charge avant d'aller voir un confrère, et ne pas attendre 3 ou 4 jours que le blessure s'amplifie et que ce soit presque trop tard pour la suite. Alors oui je crois que les petits symptômes de blessure je les sens plus facilement, et ça me permet de les prévenir, et d'être réactive et de la soigner avant qu'elle n'apparaisse, qu'elle s'estompe plus vite. Mais ceci dit je me laisse volontier entre les mains de confrères qui me suivent.

Justement quand as-tu décidé d'arrêter ton activité professionnelle pour ne te consacrer qu'à la course à pied?

J'ai arrêté en 2006 en vue de me qualifier pour les JO, j'avais essayé sur 10000m en 2004, je sentais que j'étais pas loin et qu'il fallait que j'améliore certaines choses dans mon entraînement, et pour cela je manquais de temps, car je m'entraîne 10 à 12  fois par semaine, je ne peux pas m'entraîner quinze fois, mais ce que je pouvais améliorer c'était la récupération, j'étais à mi-temps, et j'ai compris que si je voulais bénéficier de plus de temps pour récupérer je devais arrêter de travailler. Je travaillais dans un centre de récupération, donc je marchais beaucoup en plus pendant mon travail, et je ne pouvais pas partir  en stage car j'avais des congés imposés.

Est-ce que la décision d'arrêter le travail est une décision difficile à prendre? C'est un risque à prendre?

Oui voilà c'est un risque ne serais-ce que financièrement, bon moi j'ai mon conjoint qui travaille, alors on s'est dit bon ben il faut essayer, et surtout je n'avais pas envie de regretter de ne pas l'avoir fait! donc en sachant que j'ai un métier dans lequel je peux revenir à tout moment, donc je me suis dit si ça ne marche pas et bien tu redeviendras kiné, il faut essayer. cCest donc en 2006, pour pouvoir préparer mon premier marathon en 2007, et comme j'ai obtenu la qualif pour les JO, après il fallait préparer les jeux, donc voilà... En fait quand j'ai arrêté de travailler, je m'étais donné un an pour préparer mon premier marathon.

ça veut dire aussi que tu pensais avoir les qualités nécessaires pour réussir dans cette distance

Oui bien sûr j'avais déjà des chronos sur semi, et puis j'avais l'envie c'est très important, et mon entraîneur a été marathonien, donc il connaît bien la distance. de toute façon j'étais prête à passer sur la distance, et je suis monté sur la distance à 32/33 ans, j'avais fait mes armes sur piste, et donc c'était aussi le moment de monter sur la distance, d'autant plus que j'avais en tête les jeux olympiques qui ne sont là que tous les quatre ans, j'avais à coeur d'y participer sur marathon. 

Les prochains JO t'y penses un petit peu ou c'est encore trop loin?

Non là c'est trop loin, et puis j'avance en âge, donc là vraiment je vois du court terme, je ne veux pas voir aussi loin. Ce n'est même pas dans un coin de ma tête pour l'instant, c'est trop loin vraiment, d'ici là je ne sais pas si l'envie sera encore là, et j'ai ma vie de famille aussi.....

En t'écoutant parler j'ai l'impression que tu es très professionnelle dans ton approche et en même temps je trouve que tu ne doutes pas beaucoup, j'ai l'impression que tu as une grosse force de caractère et que c'est une de tes qualités, je me trompe?

Ce qui est intéressant, depuis que j'ai fait ce choix en 2006 de ne faire que de l'athlé, j'ai aussi l'envie de réussir pour continuer dans l'athlé, pour ne pas revenir vers mon métier de kiné, c'est à dire en fait que pour rester athlète il me fallait réussir, et ça a peut-être inconsciemment fait que j'ai cette volonté. L'autre aspect c'est qu'avec mon entraîneur, je cours peu, mais je fais une performance à chaque fois, j'avoue que depuis 2007 je n'ai pas le souvenir de contre performances, à chaque fois que l'on se fixe un objectif ça fonctionne. Et du coup aussi je suis assez fraîche mentalement. 

Et pour choisir ton objectif, c'est toi qui les fixe ou est-ce que c'est ton entraîneur qui te guide vers certains objectifs?

Ben souvent chacun voit son truc de son côté et après on met tout en commun et on décide ensemble. Là par exemple on avait cet objectif de Paris le 5 avril, mais là je sais que je veux faire de la piste, mais pour l'instant on a fait aucun programme, je n'ai pas de compétition de programmée, donc je me repose toute la semaine, puis ensuite on va faire le point sur ce que l'on a ressenti chacun durant ce marathon, et voir vers quoi on va se projeter pour la suite. 

Depuis le marathon de Paris as-tu été beaucoup sollicitée par les médias?

le jour même oui, je pense que ça s'est vu sur la ligne d'arrivée, après... Lundi un petit peu, mais c'est retombé tranquillement depuis. 

Tu ne trouves pas qu'il y a un certain manque de médiatisation du marathon qui est pourtant un sport très populaire, si l'on excepte le marathon de Paris. Si l'on demande à quelqu'un dans la rue qui est le champion de France de marathon, il ne saura pas répondre, n'est-ce pas décevant pour toi quand on voit les efforts que ça peut représenter?

Bon oui c'est sur, si l'on compare au foot bien entendu il y a peu de retombées, mais après il faut avouer que le retransmission télé a quand même mis en avant cette discipline, j'ai quand même eu beaucoup de messages de gens qui ne regardaient pas le marathon d'habitude, et qui l'ont vu cette année, et qui ont apprécié la course. En plus comme je remontais les gens étaient scotchés devant la télé pour voir si j'allais grappiller des places, Il y a a eu quand même 2h30 de retransmission, pour un évènement c'est beaucoup. Bon c'est sur qu'ensuite dans le temps, une fois la date passée c'est fini, mais j'espère tout de même que c'est une perf qui aura marqué un petit peu les esprits...

Pour préparer ce marathon, la préparation spécifique, tu l'as faite sur combien de semaines?

La vrai préparation je l'ai préparée fin janvier, j'ai fait le cross ouest France mi janvier, qui était mon dernier objectif cross à préparer, après j'ai pris une semaine de repos pour commencer ma préparation, que je commençais vers le 25 janvier, ça doit faire dix semaines je crois.

Donc en fait tu as été championne de France de cross alors que tu étais en pleine préparation marathon, ça ne t'a pas surpris?

Bon c'est à dire que l'on travaille toujours du vite, de la VMA, donc quand j'ai pris le départ je pensais que je serai bien, j'avais été parmi les trois meilleures françaises tout le long de la saison, 1ère française au ouest France, 25ième aux Europe, donc c'est la preuve que j'ai quand même une vitesse de base intéressante, je pensais pouvoir lutter parmi les meilleures mais comme les autres filles préparaient les mondiaux de cross je tablais plus sur une 3ième place. Mais après coup en discutant avec mon entraîneur, il m'a dit que j'avais quand même fait 1h10'30" au semi marathon de Rome quinze jours avant, et en France à l'heure actuelle il n'y a aucune fille capable de faire ce chrono. Et l'autre point c'est que le parcours m'était favorable, c'était un parcours roulant, sec, je pense que dans la boue j'aurai été un peu plus en difficulté.

Quand tu prépares un marathon, tu as le temps de faire autre chose dans ta vie personnelle ou c'est vraiment 100% pour le marathon?

Alors oui je dois dire, quand je suis en préparation marathon, les dix semaines sont à 150% consacrées au marathon. J'essaie de temps en temps de décrocher un peu, mais tout le reste passe après l'entraînement et la récupération, mon temps est d'abord consacré au marathon, et après s'il y a de la place je fais autre chose. Bon en plus moi pendant ma prépa j'étais à Lyon donc je n'étais pas chez moi, j'étais seule, donc je n'avais pas la possibilité de me disperser, c'est plus difficile à la maison. Je l'ai vu quand je suis revenue à Paris une semaine avant le marathon, on est plus tenté de s'occuper de sa maison, tandis qu'à Lyon je n'avais pas grand chose à faire, je n'avais qu'à penser au marathon. De toute façon c'est mon travail, donc dès qu'on fait un petit écart on le paye le lendemain, et donc du coup j'ai vraiment peu d'activités en dehors du marathon pendant ces périodes là. Ce qui me manque le plus en fait ce sont mes proches et mes amis que je vois peu pendant ces périodes là parce que c'est pas possible de faire des écarts.

Et au niveau alimentaire aussi tu fais très attention je suppose, pas d'écart

Et oui pareil, je fais attention à tout cela, alors là aussi je me garde un petit plaisir une fois par semaine je me fais un plaisir de chocolat. Mais voilà je sais que je dois rester raisonnable, ça ne sera pas tous les jours. Mais après il ne faut pas restreinte toujours parce que sinon ce n'est plus une vie non plus, mais juste rester raisonnable, c'est pareil au niveau du sommeil.

Et justement puisque l'on parle récupération, comment tu récupères après un marathon?

Et bien là voilà j'ai une semaine de vacances, mes chaussures sont au placard et elles vont y rester au moins jusqu'à dimanche, et là elles ne me manquent pas toute façon car je suis encore bien fatiguée. J'ai tellement tout donné pendant ces dix semaines jusqu'au 5 que je savais que je relâcherais un peu après quel que soit le résultat, alors non elles ne me manquent pas du tout. Après cette semaine de repos complet vont suivre deux semaines ou j'irai courir à l'envie, ça sera deux ou trois fois dans la semaine, et je reprendrai vraiment au bout de la quatrième semaine, progressivement, d'abord avec une semaine entière, et ensuite je recommencerai à doubler. Mais ce qui est paradoxal, c'est que là j'ai une semaine de repos complet, ou je peux savourer, me lâcher un peu, profiter, me coucher tard si j'ai envie, mais en même temps je suis tellement fatiguée que j' ai des coups de barre et je n'en profite pas autant que je le souhaiterais.