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INTERVIEW
DE PASCAL FETIZON (23/11/2005)
Il est sans conteste possible
un des coureurs en activité les plus titré, au palmarès impressionnant dont
un titre de champion du monde sur 100 bornes, Pascal Fétizon (voir
fiche) n'est pourtant pas
le plus médiatisé de nos athlètes. C'est ce qui nous a donné envie de mieux
le connaître, j'espère que vous prendrez autant de plaisir à lire cette
interview que j'en ai eu pour la réaliser, car le champion en plus d'avoir un
immense talent est aussi quelqu'un de réellement accessible et simple
(c'est d'ailleurs souvent la marque des grands!!). L'occasion donc de faire le
point sur sa carrière, son avenir et sur les champions qu'il entraîne, dont sa
femme Elena. Discussion à bâtons rompus que je vous livre dans son
intégralité....

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D'abord
je voulais vous féliciter pour votre carrière car vous êtes un des
athlètes les plus titré, mais justement je trouve que malgré votre
palmarès impressionnant vous êtes assez peu médiatisé, est-ce que vous
trouvez qu'il y a une sorte d'injustice par rapport à votre carrière?
Moi j'ai débuté l'athlétisme à l'âge de
13 ans, et assez vite mon objectif était de pouvoir un jour être en
équipe de France, ça n'a pas été de faire des courses forcément
médiatiques. C'est certain que par rapport à un coureur comme Philippe
Rémond qui est un excellent coureur mais qui a un palmarès international
inférieur au
mien, lui il a fait des courses médiatiques, comme Dominique Chauvelier,
qui sont vraiment connus par tout le monde.
Moi mon objectif a toujours été de me
préparer pour des sélections internationales. C'est vrai que je vois mon
entraîneur Bruno Heubi, qui n'est plus en équipe de France depuis deux
ans, a gagné les 100km de Millau et cela a été plus médiatisé que
l'équipe de France du cent kilomètre qui a fait une bonne saison. Mais
le plus important c'est de me faire plaisir, de donner le meilleur de
moi-même, mais bon c'est sur que d'avoir un beau palmarès et ne pas
être forcément connu... pfff, mais bon ce n'est pas grave tout cela, ce
n'est pas le plus important de toute façon. |
Est-ce que vous
n'avez pas su assez vous mettre en avant peut-être?
Oh... peut-être aussi, je ne sais pas, bon il
est certain que je n'ai jamais eu de manager car ça n'a jamais été mon
objectif d'être médiatisé.
Justement on va essayer de mieux vous
connaître avec cette interview, pouvez-vous nous dire d'où vous êtes
originaire et comment vous avez débuté dans la course à pied?
Je suis originaire d'un petit village de la
champagne nommé Ambonnay, j'ai eu de la chance de rencontrer un ami de
mon père qui pratiquait la course à pied, il pratiquait le marathon, il
a même terminé sa carrière par un 100km, il a vu que j'avais des
capacités en course à pied. J'avais commencé par faire du football à
l'âge de huit ans, puis j'ai fait les deux de 13 à 15 ans, et à 15 ans
j'ai définitivement opté par la course à pied.
Et votre premier marathon?
Quand j'ai commencé à courir, ce que je
préférais c'était le long, mais j'ai eu de la chance d'avoir eu un
entraîneur qui m'a poussé avant de faire du long à progresser là où
j'étais le moins performant, c'est à dire la vitesse. Mais j'ai toujours
été très endurant, et j'ai fait mon premier marathon en 1993 à Reims
à 31 ans, ce qui à mon avis était un peu trop tard. En même temps on
ne peut pas savoir car si j'avais commencé plus tôt j'aurais peut-être
eu une autre carrière et je ne courrais plus maintenant, mais je pense
que pour donner le meilleur sur cette distance il m'aurait fallu commencer
trois ou quatre ans plus tôt.
27 ans, pour vous c'est l'âge idéal pour
débuter sur la distance?
En fait je ne sais pas s'il y a un âge
idéal, je vois les japonais commencent déjà à 19/20 ans à
s'entraîner pour le marathon et ils sont très forts, bon alors 20 ans
c'est peut-être l'âge idéal, ou 25 ans, mais à mon avis 30 ans pour du
très haut niveau c'est trop tard, moi je dirai que pour du très haut
niveau c'est 25/26 ans l'âge idéal. En France on hésite encore un
peu, à part Benoit Z qui a commencé très tôt, et les athlètes
marocains qui sont naturalisés commencent tard aussi car souvent ils sont
fort sur 5000 et 10000 et ils exploitent leurs qualités au maximum pour
ces distances avant de passer sur le marathon.
Vous êtes maintenant un modèle pour beaucoup
de coureurs, est-ce que pour votre part vous aviez un modèle quand vous
avez débuté?
Oui, il y avait un athlète champenois qui
pour moi a été le plus grand athlète champenois que l'on ait eu, il n'a
pas fait beaucoup de marathon mais c'était un modèle pour moi, il s'agit
de Gilbert Gauthier, il a été recordman de France des 20km et de l'heure
dans les années 70. Quand j'ai commencé à courir il participait encore
aux courses sénior tout en étant vétéran, et c'est quelqu'un qui m'a
impressionné. Sinon au niveau international il y a Zatopek et Mimoun bien
entendu.
J'aimerai savoir ce que vous avez retenu des
principaux titres que vous avez obtenu tout au long de votre carrière, et
tout d'abord votre premier titre important, celui de champion de France de
marathon en 1996?
En fait ce titre a été à la foi une grande
joie et une grande déception. Bien sur une grande joie car je ne pensais
pas arriver un jour à être champion de France de marathon, mais de
l'autre côté déception car c'était une année olympique, tous les
meilleurs français étaient là ce jour là, sur le terrain j'ai été le
plus fort, et le DTN de cette époque n'a pas voulu me sélectionner. je
crois que c'est pratiquement la seule olympiade où il n'y a pas eu de
français sur marathon. Oui ça restera vraiment ma plus grosse déception
car je suis passé tout près des JO et pour un athlète les jeux c'est le
sommum.
C'est toujours pareil, sur marathon on a pas
le droit à l'erreur car la sélection se joue sur une course, à Paris en
1996 il faisait chaud, les minimas étaient de 2h11'45", déjà
c'était pas évident de le réaliser dans de bonnes conditions, mais j'ai
tout fait pour, je suis passé en 1h05'18" sur le semi, j'étais
peut-être même un peu vite, et finalement je fais 2h14'35", et il a
estimé que c'était un peu trop loin des minimas. Sur le coup j'étais
pas trop déçu, Jean-Michel Charbonnel, un bon marathonien de l'époque
était venu en me disant de pas m'en faire, que des français seraient
envoyés aux jeux, et même si le DTN à l'arrivée m'avait dit qu'il n'y
aurait pas de sélection, en écoutant les autres je gardais un espoir, et
finalement c'est le mois qui a suivi, quand la décision s'est prise, que
j'ai été très déçu.
L'année qui a suivi, vous avez eu une
sélection pour les jeux de la Francophonie que vous avez remporté à
Madagascar, c'est un bon souvenir?
Oui un très bon souvenir, les jeux de la
francophonie, c'est assez sympa en fin de compte, bon c'est pas les jeux
olympiques, mais c'est très sympa.
Cette année les jeux de la Francophonie vont
se dérouler au Niger, et vous êtes concerné à double titre puisque
votre épouse Elena est sélectionnée, ainsi que David Antoine que vous
entraînez
Oui, j'en suis très heureux pour eux deux,
pour ma femme parce que elle aurait du aller aux championnats du monde, à
cause de quelqu'un qui a refusé une sélection ils ont pas pris
d'équipe. Quand à David il avait pas un niveau assez haut pour faire les
mondiaux mais là j'espère qu'il va prouver qu'en fin de compte ce ne
sont pas ceux qui ont les meilleurs chronos qui vont forcément réaliser
les meilleures choses dans un grand championnat.
David Antoine n'a pas été trop déçu de ne
pas être sélectionné pour helsinki?
Bon pour les mondiaux il a pas à être trop
déçu car aux bilans français il n'était que 5 ou 6ième français, il
y avait tout de même beaucoup de monde devant lui... Bon malgré tout
j'aurais été sélectionneur j'aurais pas forcément fait la même
sélection, la dernière fois que la France a fait un bon résultat à une
coupe du monde, c'était à Athènes et je faisais parti de l'équipe, et
je me rappelle que quand on est parti il était écrit dans
"l'équipe" que l'équipe de France amenait l'équipe B, mais
l'équipe B était composée de coureurs qui voulaient mouiller le
maillot, et on fait 2ième avec des temps honnêtes car il y a eu
plusieurs championnats à Athènes depuis et les athlètes français qui y
ont participé n'ont pas fait de meilleurs temps que nous... de toute
façon si on veut avoir des résultats il faut amener des gens motivés.
Elena quand à elle devait être un peu plus
déçu de ne pas aller aux mondiaux alors?
Oui, et en plus de cela ça l'a pratiquement
perturbée pour toute la saison, à Paris elle fait deuxième française
en 2h34'42", pour Bruno qui l'entraînait à l'époque et pour moi
c'était quelque chose d'assuré. Trois semaines après quand elle a su
que Corinne Raux refusait sa sélection, ça a été très dur de se
remotiver. C'est certain que si on enlève Corinne après il fallait
chercher des filles à 2h42, 2h43. Par contre que l'on amène pas les
filles parce qu'elles sont pas bonnes pourquoi pas, mais alors il fallait
pas amener les garçon car ils étaient pas bons non plus, à mon avis on
amenait tout le monde ou personne... bon moi j'aurais amené tout le monde
(rires)... Mais je pense que ça a fait du bien, en plus il y a eu encore
de mauvaises perf sur semi, et celui qui opère les sélections a un peu
changé son point de vue, je pense qu'il est plus parti pour sélectionner
des gens qui ont vraiment envie de courir. |
Bon il est certain
qu'il n'y a pas de français qui actuellement peut briguer des places
individuelles (sauf peut-être Benoit Z mais à mon avis les championnats
ne l'intéressent pas), par contre s'il y a une bonne osmose dans
l'équipe, ils peuvent faire un résultat par équipe. Rentrer dans les 5
meilleures équipes d'un championnat du monde se serait quand même
positif!!
Mais revenons à vos jeux de la francophonie
en 1997!
Oui donc je suis très content d'avoir été
à Madagascar, car parfois aller dans des pays tel que celui-ci, ça
permet de se remettre en question et on se dit qu'on est heureux chez
nous!! C'est un pays vraiment très pauvre. Sinon pour la course on était
seulement 5 au départ, on devait être plus nombreux mais pas mal
d'athlètes n'ont pas pris le départ en voyant les conditions qu'il y
avait, notamment des tunisiens. Il y avait donc au départ trois
malgaches, et un nigerien, le parcours à 1500m d'altitude était très
difficile. Un malgache m'a suivi jusqu'au semi, je l'ai lâché à ce
moment là et je ne savais pas les écarts |

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sinon j'aurais
relâché un peu car je finis avec dix minutes d'avance, et c'est
l'athlète du Niger qui fait deux. Il y avait vraiment beaucoup de monde
sur le circuit, on se serait cru sur les routes du tour de France par
moments!!
Par contre 5 ou 6 semaines après il y avait
le marathon de Reims qui servait de support pour les France, et je voulais
confirmer mon titre chez moi, j'ai voulu enchaîner après les jeux sur
l'entraînement pour les France sans couper, et finalement je me suis
blessé et j'étais spectateur à Reims.
Après 1997, vous avez décidé ensuite de
monter sur 100km, faisant une croix sur votre carrière sur marathon?
Après 1997, j'ai rencontré Bruno Heubi qui a
été mon troisième entraîneur. le premier a été Michel Martin qui a
fait les "fondations", je pense que si je suis encore à ce
niveau là c'est grâce à lui, quand on est jeune c'est là que
l'entraîneur doit être vigilant, et Michel a bien su m'entraîner.
Ensuite je suis passé avec Philippe Guilbaud qui avait déjà un contact
avec le niveau international et qui m'a fait passer un cap pour passer
d'un niveau interrégional à un niveau national puis international. Moi
je savais qu'un jour je ferais un "cent bornes", et fin 97 j'ai
fait mieux connaissance avec Bruno Heubi à une formation d'entraîneur,
lui avait déjà effectué le passage sur 100km, il allait devenir
international, et il est alors devenu mon entraîneur, mais j'ai encore
essayé une année sur marathon en 1998, je finis second aux France à
Albi, ensuite il y avait un test sur 30km pour lequel je me suis blessé
en me préparant avant. J'y ai participé quand même, j'étais pas trop
mal mais je me suis fait une élongation de l'autre côté en compensant
et donc du coup j'ai pas été sélectionné, mais j'ai fait les mondiaux
de semi en compensation.
Et en 1999, vous montez sur 100 kilomètres
Oui la décision est prise, j'ai fait le
marathon de Paris tout de même avec une préparation et je fais
2h15'30", et on s'est servi de cette préparation du marathon de
Paris pour enchaîner sur mon premier cent borne à St Vit. J'ai
participé aux mondiaux de Chavagnes en sachant que j'allais arrêter aux
50 bornes, pour voir le déroulement de la course, j'ai fait 60 bornes
finalement. J'ai eu la chance d'avoir Bruno comme entraîneur qui avait
l'expérience de cette distance, et il m'a suivi en vélo à St Vit et a
su me raisonner pour que je parte pas trop vite. C'est peut-être grâce
à cette première course réussie, qui reste mon deuxième meilleur temps
(6h29'40") avec un titre de champion de France à la clé, et où
donc j'ai bien terminé la course, que j'ai ensuite pu faire carrière sur
cette distance. Ce fut le seul 100 bornes où j'ai fait le deuxième 50
bornes plus vite que le premier (3h15 au premier contre 3h14 au second),
je n'ai jamais réussi à faire de négative split sur marathon non plus
d'ailleurs (rires), contrairement à David Antoine qui l'a fait à
plusieurs reprises lui, autant que mon expérience serve aux autres.
La même année vous êtes champion d'Europe
à Winschoten
Oui et ce jour là il faisait très chaud, il
a du faire entre 39 et 40 toute la course, je pense qu'autrement je
faisais un temps aussi bon qu'à St Vit. A chaque cent borne que je fais
je ne pars pas en pensant à la place, je ne calque pas ma course sur les
autres. L'optique de Bruno c'est de rester dans les allures que l'on est
sur de maîtriser. Les russes favoris sont partis relativement lentement,
ce qui m'avantageait car c'était les temps que je souhaitais faire, puis
je me suis retrouvé en tête au 52ième kilomètre, comme j'aime bien la
chaleur j'ai couru jusqu'au 75ième comme s'il faisait 20 degrés, par
contre les 15 derniers kilomètres ont été très difficiles, je dois
terminer à 12km/h, il était temps que ça se termine!! J'ai 10 minutes
d'avance à 10 km de l'arrivée, et à la fin je n'ai plus que trois
minutes.
Mais je dois dire que tous les 100km que j'ai
fait, je n'ai jamais terminé la course facile, même quand je suis bien
les 10 derniers kilomètres je souffre au niveau des articulations et
c'est toujours la galère pour arriver au bout. A la rigueur je crois que
c'est le premier où j'ai le moins souffert. De même je n'aime pas les
circuits trop vallonnés!!
Vous n'allez pas faire Millau alors!!
Ben c'est à dire, si je pense que je le ferai
comme tous les cent-bornards, mais peut-être pas pour le gagner, je le
ferai un jour juste pour me faire plaisir et dire que j'ai fait
Millau.
Bon et ensuite il y a eu votre titre de
champion du monde en 2000
Oui mais avant il y a eu d'autres
"Europe" à Belves, avec mon titre à défendre. J'ai voulu trop
bien faire, je suis parti vite, j'ai voulu rattraper un japonais parti
très vite, mais je l'ai payé ensuite, je finis onzième je crois. Mais
c'était une bonne expérience et ça m'a fait du bien pour les
championnats du monde car je n'ai pas refait la même erreur. Les mondiaux
sont partis très vite, la preuve c'est qu'au 50ième kilomètre je suis
encore seulement 16ième!! mais mon erreur des championnats d'Europe, je
ne l'ai pas commise une seconde fois, je suis resté sur les bases de 6h20
sans jamais les dépasser, j'ai couru régulier jusqu'au 90ième où je
suis sur les bases de 6h19'. Et encore une fois j'ai eu du mal dans les 10
derniers, mais je ne pensais plus au chrono, je ne pensais qu'à garder ma
place.
Ca fait quoi d'être champion du monde?
ça fait très plaisir et surtout que sur le
100km, on ne verra jamais ça sur marathon, c'est que tous les adversaires
qui ont eu des défaillances où ont abandonné vous encouragent dans la
grande ligne droite d'arrivée, quelle que soit votre nationalité. J'ai
fait les 500 derniers mètres avec la chair de poule!! C'est une épreuve
très difficile et donc l'ambiance est particulière, comme elle doit
l'être sur 24h je pense.
Je me rappelle aussi qu'à l'époque je venais
de rencontrer Elena, et dans sa région le 100km c'était quelque chose,
j'ai pensé à elle dans la course, elle était en Russie, et quand j'ai
compris que j'allais gagné, j'étais heureux de penser que j'allais
l'appeler pour lui annoncer que j'étais champion du monde du 100km.
Vous envisagez de faire un jour un 24h?
Oui, mais bon c'était même prévu que j'en
fasse un plus tôt mais je repousse tous les ans, car je me fais encore
plaisir sur les petites distances. J'avais dit que j'en ferai un en 2006
mais ce ne sera pas possible, c'est trop difficile de caser les
sélections des 100km avec un 24h. Les championnats du monde du 100km
auront lieu mi-octobre en 2006, et je vais pas en faire un avant, et
après il n'y en a plus.
Sinon les mondiaux 2000 à Winschoten, c'est
votre meilleur souvenir?
En fait mon meilleur souvenir c'est un
interrégional de cross que j'ai gagné en 1990, car pour moi c'était un
rêve qui se réalisait. Il y avait plusieurs fois où j'avais rêvé que
je les gagnais, et en plus à cette époque il y avait des athlètes de
renom dans la région comme Pascal Zilliox, Pascal Thiebaud... Et puis
j'ai gagné ces inter-région, je me suis retrouvé vite en tête, et j'ai
fait cette course comme si j'étais dans un rêve!! C'est loin d'être mon
plus grand titre mais c'est mon meilleur souvenir, et je pense que ça a
été un déclic, cette victoire m'a permis de passer un cap. |

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A partir du moment où
vous vous êtes lancé dans l'aventure du 100km, vous avez tiré une croix
sur le marathon?
Non, non, je les préparais différemment, en
2000 je remporte le marathon de Nantes, et je pense que si ce jour là
j'avais été sur une très bonne course je battais mon record qui
d'ailleurs ne veut pas dire grand chose car à cette époque là dans de
bonnes conditions, je pense sincèrement que je valais 2h12.Mais vers
1998, 1999, il y a eu l'apparition des coureurs marocains qui ont été
naturalisés français, et il y a eu un cap de passé, avec Ouaadi qui
fait moins de 2h10 et quelques uns qui valaient 2h11, 2h12, quand à moi
je ne rajeunissais déjà pas.
Ce fut une raison supplémentaire pour passer
sur 100km?
ça a peut-être été une des raison mais de
toute façon il y avait longtemps que j'étais attiré par les longues
distances. Pour l'anecdote, en cadet deuxième année il m'est arrivé de
faire un footing de 70km, je ne le propose à personne, c'était sans
doute une erreur de jeunesse, mais on est parti avec mon père faire un
tour de GR, on est parti à 8heures du matin pour revenir à 5h de
l'après-midi, et on a bien couru sur les 50 premiers kilomètres. Alors
bon j'avais ça dans la tête depuis longtemps. Bon si j'avais été
sélectionné en 1998, j'aurais sans doute attendu encore une année, mais
bon j'y serais venu de toute façon même si j'aurais pas pensé faire les
perf que j'ai faite. |
Quel bilan tirez-vous de la saison
2005 qui vient de se dérouler?
Je suis satisfait car au début c'était mal
parti, j'ai eu des problèmes de sinusite au mois de février, j'ai eu un
entraînement pendant un mois un peu cahotique, j'ai même du m'arrêter
une période totalement, j'ai eu une infection et on a du me mettre un
drain au niveau des sinus, et je me demandais si je pourrais faire le
mondial, mais les entraîneurs nationaux m'ont fait confiance. J'ai fait
le marathon de Cheverny alors qu'on m'avait enlevé le drain dans le sinus
l'avant veille. Je crois que je m'en suis sorti grâce aux acquis des
années passés car je n'ai pas pu bien m'entraîner, Elena me disait de
ne pas le faire mais j'ai dit "si j'y vais, c'est un beau marathon,
une belle ambiance, mais je suis parti dans l'optique d'aller me faire
plaisir et pas de gagner. Donc je le gagne, puis la semaine d'après le
fais Paris pour aider Elena, mais c'est quand même 2h34, et derrière ça
tendinite!! Il n'y a que 9 jours avant le marathon de Blayes que je n'ai
plus senti de douleur, donc je me suis entraîné une semaine normalement,
et comme Blayes était prévu depuis longtemps comme sortie longue, je me
suis dit que ça servirait de test: j'ai fait 2km allure 100km, 10km
allure marathon, 1km allure 100km, 6km allure marathon, et le reste allure
100km. ça a été le déclic pour participer aux championnats du monde.
finalement 6iem en 6h50, je m'en suis bien sorti!!
Ensuite j'ai enchaîné une grosse
préparation pour Winschoten, j'ai eu la médaille de bronze donc je suis
content même si je suis un peu déçu du chrono, car je fais le même
temps qu'au Japon. Bon c'est vrai que je n'ai plus le niveau que j'avais
en 2000.Mais mon année a été bonne, je gagne trois marathons et je fais de
bonnes places en championnat, vu comment c'était parti, je suis content.
Est-ce que vous avez souvent eu des blessures
dans votre carrière?
Non, pas trop. Mais par contre il faut savoir
que j'avais fait un super temps sur semi (1h02'11") et derrière ça
j'ai eu une grande maladie, on m'avait même dit à l'époque que ce
n'était pas certain que je refasse du haut niveau. J'ai eu ce qu'on
appelle un syndrôme de Guillin Barré, c'est une atteinte de la myeline
dans la gaine des nerfs, j'étais paralysé des membres supérieurs et
inférieurs. C'était en 93, au moment où j'étais au summum au niveau de
mes entraînements. Par contre c'est une maladie qui m'a servi, même pour
le cent bornes, il m'a fallu refaire une rééducation, que je ré-aprenne
à marcher, ça m'a forger le mental, et d'ailleurs à mon premier 100
bornes, les dix derniers kilomètres j'ai commencé à souffrir et j'ai
pensé à cette maladie, en me disant "tu souffres mais au moins tu
cours". En 1996, il y a eu un article lors de ma victoire aux France
à Paris, dans le parisien, où le journaliste avait titré "le
miraculé".
Depuis que je fais du cent kilomètres je ne
suis pas plus souvent blessé qu'avant, c'est peut-être du à mon
entraîneur aussi mais derrière un cent kilomètres j'ai toujours été
très prudent, et depuis que j'ai débuté sur cette distance, je n'ai
jamais eu autant de jours de repos: on fait une période de relâchement
avant le cent kilomètres avec pas mal de jours de repos, et bien sur il y
a la période de récupération qui suit.
Sinon vous avez une activité professionnelle?
comment vous organisez-vous? J'ai de
la chance d'avoir un CIP (contrat d'insertion professionnelle) à la poste
étant donné que je suis sur la liste des athlètes de haut niveau, ce
qui me permet de travailler à mi-temps et d'être payé à plein temps.
Si je n'avais pas ce poste, je ne pourrais plus faire du haut niveau comme
je fais à 43 ans, bon je courrais encore car je ne cours pas que pour
faire des places, mais c'est certain que je n'aurai pas le même niveau.
Alors ma journée type c'est travail le matin de 8h30 à 11h15, repas,
puis reboulot jusqu'à 13h. L'hiver je vais m'entraîner ensuite assez
tôt tant qu'il fait encore jour.. En préparation cent bornes je
m'entraîne deux fois par jour. Mais en moyenne sur l'année je n'ai même
pas huit entraînement par semaine, en hiver quand je double une fois par
semaine c'est le maximum. Et puis avec Elena on essaie de faire pas mal
d'entraînement ensemble, et j'ai la chance d'avoir mes parents à côté
qui me gardent les enfants quand c'est nécessaire. Vous
pensez qu'il faut avoir des prédispositions pour devenir un athlète de
haut niveau, c'est dans les gênes? vos enfants font-ils de la course à
pied par exemple? Mon fils n'a pas
encore le virus mais enfin cette année sans entraînement il a tout de
même fait 37'20" sur 10 km en cadet première année, mon père a
commencé un an après moi, il n'avait jamais fait de sport, il a débuté
à 47 ans et à 53 ans il a fait 35'14" au 10km, et 1h17' au semi!!
Donc je crois qu'en effet il y a sans doute des prédispositions à la
base, après c'est sur que pour faire du haut niveau il faut beaucoup
s'entraîner. Il n'y a pas eu de
moments dans votre carrière où vous avez saturé, eu envie de tout
laisser tomber? je me rappelle qu'en
2001 j'ai coupé un mois sans m'entraîner du tout, j'avais participé aux
comrades en Afrique du Sud et ça s'était mal passé, je m'étais cru
plus fort que je ne le pensais, je m'étais mis en tête que j'étais le
favori, et finalement j'ai du abandonner au 70ième km. Ensuite j'avais
fait Cleder et je m'étais donné à fond pour l'équipe car c'était les
mondiaux, je faisais champion de France et l'équipe faisait 3,4,5 et 6!!
Ensuite on ne devait pas faire les championnats d'Europe, mais les
sélectionneurs nous ont appelé un par un nous faisant croire que les
autres (Géhin, Guichard..) étaient partant, alors pour l'équipe j'ai
dit OK. Finalement cette année là j'ai abandonné à Winschoten puis au
Médoc dans une course qui restera je pense mon plus mauvais souvenir
tellement j'étais mal. J'étais vraiment fatigué et donc j'ai coupé, et
finalement ça m'a fait du bien.. Mais c'est la seule fois en fait où
j'ai vraiment saturé. Quelle est la
différence entre les qualités que doit avoir un marathonien et
celles d'un cent bornard? Les
qualités d'un cent bornard c'est quand même le mental, alors c'est vrai
que quand on a la chance d'avoir de bonnes références sur marathon et un
bon mental on devient un cent bornard au dessus des autres. C'est
justement ce mental qui peut permettre à des marathoniens moyens de faire
de belles choses sur cent kilomètre. C'est vrai qu'un marathonien en 2h30
qui a un super mental et qui sait bien gérer ses courses réussira mieux
qu'un marathonien en 2h15 qui n'a pas un grand mental. Je vois par exemple
Bruno Léger qui a tenté de faire un cent kilomètre à Winschoten, il a
abandonné au 51ième, il a pas vraiment pu voir ce qu'il vallait sur
100km car la course elle faisait que commencer. Sur 100km on a des
passages d'euphorie et des passages de doute, quand on traverse une
période de doute c'est là qu'il faut s'accrocher et continuer. David
Antoine a le profil d'un athlète qui ferait un bon cent-bornard non? Eh
je pense mais bon il a pas envie pour l'instant, et de toute façon ça ne
doit pas venir de moi, car la première condition pour se lancer sur 100km
c'est qu'il faut avoir l'envie et être bien préparé psychologiquement.
Mais c'est vrai que je pense qu'il a les qualités pour cela, car il est
régulier dans ses marathons, il a jamais eu de grosse défaillance, mais
ça doit venir de lui. Et puis là il vient d'être sélectionné aux jeux
de la francophonie et il pense encore pouvoir progresser sur marathon,
même si avec l'expérience que j'ai je pense qu'on peut monter sur cent
kilomètre tout en continuant à progresser sur marathon. Je vois que
finalement je n'ai pas beaucoup perdu en vitesse depuis que je fais du
cent kilomètre, la vitesse que j'ai perdue c'est surtout parce que je
suis plus âgé. Qu'envisagez-vous
pour la suite de votre carrière? Moi
je suis très heureux quand on peut obtenir des résultats par équipe et
tant que je me sens capable de servir l'équipe...Normalement l'année
prochaine il n'y a pas d'Europe, donc l'objectif principal sera les
mondiaux mi-octobre en Corée. Par contre comme il n'y a pas d'Europe je
vais essayer de faire le marathon de Cheverny en le préparant bien, et
j'aimerai bien avoir le record de cette épreuve, en fait j'ai le record
de Cheverny mais pas celui de l'organisation qui organisait Chambord
avant... Après Cheverny je ferai sans doute encore le marathon de Blayes,
j'ai sympathisé avec l'organisateur qui aimerait bien que je fasse un
temps de référence vers les 2h30, mais Blayes c'est dur comme circuit
alors ça va être difficile. Pour
l'avenir on verra bien, je fais année après année, peut-être qu'en
2007 le calendrier me permettra de faire un 24heures, car je veux en faire
un même si je pense que je n'en ferai pas une carrière. Et
une carrière d'entraîneur, ça vous tente? Oui
bien sur, bon déjà j'entraîne David Antoine, depuis le mois de juillet
j'entraîne ma femme et aussi deux ou trois athlètes régionaux. Et puis
je vais certainement faire la formation pour être entraîneur niveau4 que
je n'avais pas encore pu passer car il faut avoir entraîné un athlète
de niveau international pour pouvoir le passer, or maintenant j'ai David
et Elena donc c'est possible. C'est
pas trop difficile d'entraîner sa femme? C'est
pas idéal, même si pour l'instant ça se passe bien. Bruno l'entraînait
mais il a aussi sa carrière à gérer, il a son site, il fait beaucoup de
choses. Mais une femme ça a besoin d'une plus grande présence qu'un
homme je pense, elle avait besoin d'avoir quelqu'un sur le terrain, elle a
besoin que je sois sur place pour modifier certaines séances, je compare
avec David ça passe facilement comme moi avec Bruno, ce n'est pas le
même type de relation. Un
entraîneur doit parfois être dur avec son athlète, et avec sa femme ça
peut-être un conflit de plus alors qu'une vie de couple est déjà
souvent source de conflit, bon un athlète doit parfois être un peu
secoué, c'est déjà pas évident quand c'est pas sa femme, mais quand
c'est sa femme c'est très dur. Mais bon pour l'instant ça se passe
bien!!! |
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