INTERVIEW DE JEAN PIERRE
MONCIAUX
Quand nous avons appris la décision de M. Monciaux
de prendre sa retraite de sportif de haut niveau, nous avons décidé de faire
le bilan avec lui sur sa carrière mais aussi sur l'évolution du marathon. Avec
beaucoup de gentillesse il a pris la peine de nous répondre et nous donne son
avis sans éluder aucune question, cette interview vous permettra je l'espère
de mieux connaître un des nos plus grands marathoniens de la dernière décennie.
C'est l'occasion pour nous aussi de lui dire un grand merci et de lui souhaiter
bonne chance pour la suite de sa vie qui ne manquera pas d'être très proche du
milieu sportif n'en doutons pas.
sa carrière
Marathoninfo: Pourquoi avoir décidé de
mettre un terme à votre carrière et qu'entendez-vous par mettre un terme à
votre carrière? Vous verra-t-on malgré tout sur des marathons cette année et
les années prochaines?
JP Monciaux: J´ai
décidé de mettre un terme à ma carrière à 40 ans, car le sport de haut
niveau demande beaucoup d´investissement, il est très dur d´y arriver et
ensuite d´y rester.
Je pense en avoir fait le tour, maintenant j´aime mieux faire profiter de ma
modeste expérience les athlètes qui me le demandent. Donc plus de compétitions,
je veux juste faire du sport pour mon plaisir
Quand avez-vous débuté la course à pied et quand
avez-vous ensuite compris que vous en feriez plus qu'une passion?
J´ai débuté un 1974 lors d´un cross au lycée
ensuite j´ai signé dans un petit club de l´Allier (grâce à mon frère), j´ai
toute de suite vu que j´avais des pré-dispositions pour ce sport et j´aimais
le coté individuel et solitaire.
Quel est le moment qui vous aura le plus marqué
dans votre carrière? Et votre pire souvenir?
Il y a plusieurs grands moments, mes records au
semi-marathon et marathon de Paris (1h02´39 et 2h12´13), ma 19ème place aux
championnats du Monde de Séville en 1999 sous une chaleur inhumaine. Ensuite
les différentes rencontres comme C. Viale (entraîneur national du marathon, décédé
en 2000) un sacré personnage et meneur d´homme !
Mon pire souvenir fut l´après Séville , un gros coup de fatigue (mononucléose)
et mon échec au marathon de Rotterdam en 2000 pour la qualif pour Sydney. Je n´en
garde aucune amertume, c´est la loi du sport de haut- niveau.
N'y a-t-il pas eu des moments où vous aviez envie de
tout plaquer, où l'entraînement quotidien vous lassait?
Oui quelque fois, mais ce n´était que de courts
moments lors de séances difficiles ou des moments de fatigue. J´ai toujours
aimé préparer un objectif en solitaire, sentir que la forme arrive, ces
moments où vous avez l´impression de « voler », seront irremplaçables pour
moi.
Aviez-vous des modèles en course à pied?
Oui, Sébastien COE pour sa classe et sa hargne en
course, sa victoire au Jeux de Los Angeles en 1984 reste un modèle pour moi. H.
ELLIOT champion olympique du 1500m en 1960, record du Monde sur cendrée en 3´35
et qui arrête à 24 ans en ayant tout gagné, la classe quoi !.
N'avez-vous jamais souffert du manque de considération
des médias par rapport à ce sport pourtant très exigeant?
Non, car on ne fait pas du sport pour être
considéré mais parce qu´on l´aime. Ensuite avec les résultats vous obtenez
une plus ou moins grande notoriété ( suivant vos résultats et votre sport)
mais ce ne fut jamais un objectif pour moi. Je suis connu dans ma région et
soutenu par mes amis et ma famille et cela me suffisait. Il y a tellement d´autres
personnes sur terre qui font des choses exceptionnelles au quotidien et qui ne
sont jamais reconnues qu´il faut savoir relativiser.
Comment avez-vous ressenti la montée en puissance des
athlètes africains en marathon?
Aucun problème pour moi, c´est la loi du
sport de haut niveau, sinon il ne faut pas faire de compétition. Je suis plus
choqué par l´exploitation de leurs talents par des « managers- négriers »
qui les exploitent sans aucune gestion de leur carrière et de leur potentiel
sur le long terme.
8/ Dans ce sport individuel, avez-vous beaucoup d'amis
marathoniens?
Non, seulement trois amis pour lesquels j´ai beaucoup
de considération.
P. FETIZON, la droiture même, un vrai, un pur, pour l´ensemble de sa carrière
(équipe de France en cross, sur semi, marathon et 100kms) c´est MONSIEUR
FETIZON.
P. REMOND, le play boy, la classe, un type doué comme on en voit pas souvent,
nous avons pourtant des caractères très différents et pourtant nous nous
comprenons sans beaucoup se parler, j´aime bien son contact avec les gens, ses
qualités humaines.
J. B. CESAR, mon ami le Mauricien , je n´ai jamais rencontré quelqu´un d´aussi
respectueux pour les autres.
Avez-vous déjà été tentés par des distances comme
les 100km?
Non , je n´avais pas le mental et l´envie. J´ai
beaucoup de respect pour les cent-bornards , ce qu´il font méritent un immense
respect.
Et maintenant comment envisagez-vous la suite pour
vous?
Très simplement, ma famille, mon travail et
auprès des jeunes du club que j´entraine. Il y a beaucoup à faire pour les
aider dans la gestion de leur carrière, je sais que beaucoup en confiance en
moi et je me dois de les aider.
L'évolution du marathon
Que pensez-vous du regain d'intérêt que connaît
actuellement le marathon, pensez-vous que cette discipline est en train de se
"démocratiser?"
Je pense que depuis en petit moment déjà, elle se démocratise.
Quel que soit le niveau du marathonien, chacun à le droit de progresser
et de prendre du plaisir. Je m´aperçois lors de rencontres avec eux qu´ils
ont une réelle demande, et des conseils, c´est aussi une des raisons de mon
site.
Que pensez-vous du niveau global du marathon en France
actuellement? D'après les journalistes le niveau féminin est d'un niveau inquiétant.
Les médias devraient mieux se renseigner et préciser
qu´il faut du temps pour arriver au top niveau sur marathon. Je ne crois pas aux
générations spontanées, mais plutôt au travail sur le long terme. A notre fédération
de travailler pour cela. Je sais que nous avons le potentiel en France.
Au niveau des méthodes d'entraînement, avez-vous noté
beaucoup d'évolutions entre le début et la
fin de votre carrière? Avez-vous modifier votre approche de l'entraînement?
Disons, que les choses sont en constante évolution.
Lorsque je suis arrivé en équipe de France de marathon, j´étais l´un des
seul à travailler sur des séances de VMA, en période terminale, et ne
pas raisonner en kilométrage par semaine mais plutôt en fonction des séances
importantes. Je vois depuis que les choses évoluent et que maintenant presque
tous les plans marathon et quelque soit le niveau comportent des séances VMA. L´entraînement,
du point de vue physiologique évolue constamment, grâce à des personnes comme
V. BILLAT ( une référence pour moi) qui consacre toutes ses études sur ce thème.
J´ai beaucoup discuté sur le sujet avec elle et ce fut à chaque fois extrêmement
passionnant.
Chaque année, j´établissais un bilan de la saison et je modifiais toujours
quelques petits détails car l´entraînement de haut-niveau c´est du
sur-mesure.
Que pensez vous des athlètes qui négligent des sélections
nationales pour aller dans des marathons plus lucratifs comme cela s'est passé
au moment des championnats d'Europe l'an passé? Et le fait que les championnats
de France ne regroupent pas toujours les meilleurs athlètes?
Je pense que maintenant pour arriver au top- niveau il
faut être disponible à 100% (stages, entraînements bi-quotidien, récupération,...),
donc être un pro, mais sans en avoir le statut. Ils doivent penser à leur
gestion de carrière (notoriété, revenus, résultats, objectifs) comme de vrais
pros et donc faire des choix. Il faut trouver une solution à ce dilemme car une
sélection ne peut se refuser mais être un honneur. Les footballeurs sont pros,
touchent des sommes colossales dans leur club et pourtant ils répondent
toujours présent pour les échéances importantes sous le maillot national.
Pour les championnats de France, tout le monde sait que les meilleurs
marathoniens sont en général au départ du marathon de PARIS, il faudrait
trouver un accord fédé-organisateurs pour que celui-ci représente le support
du championnat de France. Le meilleur performer de la saison doit être le
champion de France.
15/ Quelles sont les épreuves françaises que vous
appréciez tout particulièrement?
Aucunes en particulier, plutôt celles ou l´accueil
fut simple et chaleureux et toutes les rencontres que j´ai faite.
16/ Pensez-vous que le dopage ait une influence sur les
résultats actuels? Comment peut-on lutter contre ce fléau?
Je suis sur que l´on peut être au top
niveau sur marathon (-de 2h08) si l´on se prépare bien, si l´on
planifie bien sa saison et son entraînement. D´un point de vue physiologique
certains athlètes ont le potentiel . Mais je suis plus dérangé par l´accumulation
de performances sur une saison, on peut se poser des questions sur les moyens de
récupération. Je sais combien la préparation est dure et le besoin de se
ressourcer et de décompresser (du point physique et mental) après un objectif
de haut niveau.
Je pense que le dopage est avant tout un problème de conscience. Comme dans la
vie de tout les jours sommes nous prêts à tricher pour réussir. J´ai fait
les perfs que je devais faire, des athlètes étaient meilleurs que moi, d´autres
plus faibles. Je me suis posé la question de savoir à SEVILLE, si tout le
monde était à l´eau claire à quelle place aurais-je terminé ? . Pour moi
cela n´a pas d´importance, ce qui est important est le fait que je suis
fier de ce que j´ai réalisé , de ma progression , de mes performances et que
je peux l´expliquer à tous mes jeunes athlètes . Je peux me regarder dans la
glace tout les matins.
Que conseilleriez-vous à un jeune qui serait tenté
par le marathon?
D´être patient , de bien planifier son
entraînement et sa carrière et surtout de toujours croire en son » étoile ».
Ce n´est pas de beaucoup s´entraîner qui compte, mais de bien s´entraîner.
son site
D'où vous est venue l'idée de créer votre propre
site web?
Par mes rencontres et le constat que
beaucoup de gens compétiteurs ou non, licenciés ou non avaient une réelle
demande de conseils. Si ma modeste expérience peut permettre à des coureurs d´éviter
les erreurs dans leur entraînement il me semble normal de les aider.
Quel est l'objectif de votre site?
Simplement permettre à chacun et quelque soit son
niveau de progresser. Il est sûr et certain que du débutant complet au coureur
confirmé chacun peut évoluer en prenant du plaisir.
Entraînez-vous des athlètes de haut niveau? dans le
cas contraire seriez-vous prêt à le faire?
Non, juste un junior
(vice-champion de France en cross et sur 3000m steeple), je pense que ce
serait plutôt un rôle de conseiller. Si le cas se présentait je réfléchirais
car l´athlète de haut niveau a un fort égo, des sollicitations, une
carrière à gérer et entraîner pour entraîner ne m´intéresse pas en soi.
Le coté relationnel est aussi important. Je ne cherche aucune notoriété à
travers les athlètes que j´entraîne, si j´en ai une ce n´est que le fait de
mes résultats personnels.
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