Je crois que je suis quelqu'un qui
domine la douleur
Peut-être avez-vous aussi des qualités de
récupération hors norme?
(il rit)... Bon c'est vrai qu'il y a des
moyens pour bien récupérer à commencer par l'alimentation qui est
importante, et puis il faut savoir faire d'autres choses à côté comme
le vélo, il y a pas mal de choses qui permettent de bien récupérer. Et
puis j'en reviens au mental aussi, on est vite dominé par les douleurs,
et puis quand on a mal il faut savoir s'arrêter ou freiner, il faut bien
se connaître. Et puis parfois je participe sans objectif de performance,
je pars sur des bases moins élevées sans rechercher la performance à
tout prix.
Et pourquoi en 95 par exemple au lieu de faire
13 marathons, vous n'en avez pas fait deux ou trois en essayant de faire
de meilleures performances?
L'année ou j'avais envie de faire des
meilleures performances c'était l'année où j'ai fait à Paris 2h15'
mais je n'avais pas encore reçu la nationalité française, je ne l'ai
reçue que 6 mois après et donc je n'ai pas pu participer aux
championnats d'Europe pour lesquels normalement j'étais qualifié. Puis
l'année d'après je n'étais pas au top car on ne peut pas toujours
l'être et je n'ai pas été pris. Non si j'avais envie de le faire je le
ferai. J'étais passionné, et j'arrivais à faire des performances car
j'étais libéré dans ma tête, je n'avais personne, je n'avais pas
d'entraîneur et je n'avais aucune pression, j'étais bien dans ma tête.
Et vous n'avez jamais eu de grosse blessure?
Ah si!! j'ai eu une double fracture du péroné
!!Mais bon je n'en parle pas. J'ai été plâtré. En fait il s'agissait
d'une fracture de fatigue qui s'est transformée en double fracture. Comme
on dit c'est le métier qui rentre!!Et puis ça permet de mieux connaître
son corps aussi. Après on a envie de revenir deux fois plus fort parce
que la motivation elle est plus forte aussi.
Vous savez même quand j'avais du travail je
me levais tôt, car quand j'aime quelque chose je le fais bien, il faut du
courage!!J'aime bien le sport, je suis passionné, c'est ça qui me
stimulait. D'ailleurs je ne sais pas quand je vais arrêter mais je crois
que je n'ai pas l'intention d'arrêter, car je trouve ce côté humain
très riche. En même temps ça nous apporte une certaine philosophie pour
s'harmoniser avec notre environnement, avec l'être humain et ses
différences de culture. quand on voit les années passer, les gens qu'on
a connu, on sait qu'on s'harmonise avec son environnement. Ce sport est
porteur sur tous les plans, et en même temps ça permet aussi de mieux se
connaître. Quand on connaît ses limites, on connaît l'autosuffisance,
de quoi on a besoin, et je retire de ce sport là aussi qu'on a besoin de
peu de choses.
Quel est le marathon qui vous a laissé le
meilleur souvenir?
Le meilleur souvenir c'est la première fois
où j'ai terminé un marathon, bien sûr il y a d'autres bons moments, ça
dépend des degrés en fait...Mais je crois que c'est quand j'ai compris
que j'étais capable de dominer quelque chose de monstrueux, j'étais
capable de faire quelque chose qui pour moi était monstrueux.
Et est-ce que vous avez des mauvais souvenirs?
Oui, il y a un marathon que j'avais préparé
très fort, dans la douleur, ma famille m'attendait au Maroc et j'ai
abandonné alors que j'étais deuxième à cause d'une gastro, et en même
temps il y a un mauvais souvenir c'est quand la direction technique
nationale du Maroc ne m'a pas sélectionné pour les championnats du monde
alors que j'avais les résultats pour être sélectionné, le DTN a
pris une autre personne à la place qui n'a pas terminé la course, et ça
m'a fait mal, car en 1994 j'étais capable de remplir mon contrat, je suis
sûr que j'étais capable de rentrer parmi les 10. Je dois dire qu' à
cause de cette histoire ça m'a donné envie de prendre la double
nationalité. c'était mauvais parce que je savais que j'étais capable
et en même temps j'ai senti que ma propre fédération me sous-estimait.
Et on voyait des athlètes qui quittaient le Maroc à cause d'une sorte de
bureaucratie de l'administration de la fédération de l'époque. Je pense
qu'ils ont appris beaucoup de leçons aujourd'hui, quand on voit un
athlète comme Khannouchi qui avait des problèmes avec la même
fédération, il a quitté le Maroc et a battu le record du monde, après
il voulait plus y revenir. Mais bon on revient parce que quand même c'est
notre pays d'attache et il le restera toujours malgré tout.
En 2001 vous avez fait une expérience sur
100km à Cléder où vous aviez terminé en 7h04'44".Est-ce la seule
expérience que vous avez fait sur cette distance?
Oui c'est la seule expérience, 100km ça ne
s'aborde pas comme ça, il faut être vraiment bien préparé déjà au
niveau psychologique et puis il faut des moyens pour le faire, ça peut
causer des dégâts si l'on part comme ça. Je crois que j'en referai un
autre mais ce sera peut-être (il insiste sur le peut-être) dans les deux
ou trois ans qui viennent. ça m'a coûté cher la dernière fois car j'ai
eu une défaillance au 98ième km. Mais je suis content quand même, je
suis prévenu qu'il ne faut pas se lancer comme ça, il ne faut pas aller
dans une telle compétition par hasard mais bien préparé. je crois que
j'ai les qualités pour le faire, mais il faut vraiment prendre le temps,
avoir un temps aménagé, mais bon ça ne sera pas avant deux ans. Ce
n'est pas parce que je suis habitué à enchaîner plusieurs marathons
qu'il faut aller au massacre car 100km c'est plus de deux marathons. Et
puis est-ce que ça vaut le coup de le faire, à part peut-être pour un
championnat parce que déjà un marathon c'est limite. Pour le moment je
n'ai pas l'envie de le faire, à moins qu'un jour il y ait un déclic,
c'est pour ça que je laisse un peu de temps.
D'après-vous quelles sont les principales
qualités que doit avoir un marathonien?
Moi je dis que la chose qui compte le plus,
dans chaque chose et aussi bien dans le marathon, c'est de le faire par
amour. Bien entendu il faut avoir un certain parallélisme entre le mental
et les qualités physique, et surtout en ce qui concerne le mental, avoir
les qualités de contrôle de la douleur. Après il convient de s'avoir
s'adapter à ses propres qualités physiques, mais bon après vous savez
chacun à son programme. Après bien sur il y a le régime alimentaire qui
est important, savoir récupérer et être disponible.
Vous qui êtes depuis un bon moment sur le
circuit, avez-vous noté une évolution du marathon ces dernières
années?
Oui beaucoup, au niveau des soins, de la
préparation physique, tout a changé!!Maintenant il y a un suivi
médical, avant il n'y avait pas toute cette préparation, maintenant on
fait des bilans sanguins, certains font de l'altitude. Maintenant le
marathonien vient souvent du demi fond, certains font du cross, puis du
10000, puis semi et on monte sur marathon, et tout est proportionnel. Bon
et puis il faut aussi avoir des moyens car maintenant il faut faire des
stages, c'est pas facile.. Le niveau c'est nettement amélioré en dix
ans.
Y a-t-il des épreuves en France que vous
appréciez particulièrement?
Oui sincèrement j'aime beaucoup La Rochelle,
mais il y a aussi des plus petites épreuves dans mon coin que j'aime bien
parce qu'elles respectent le côté humain et ne misent pas tout sur la
performance. Mais c'est vrai que j'aime beaucoup La Rochelle, Paris aussi
et des courses dans ma région comme par exemple Auray/Vannes.
En 2003 vous avez fait neuf marathons..
Oui mais bon maintenant je n'ai pas
d'objectif, je fais ça pour mon plaisir, pour passer mon dimanche. Vous
savez après 40 ans on continue parce que j'aime bien, ça m'apporte un
équilibre physique, je reste dans le bain comme on dit, mais je n'ai
aucune prétention.
Est-ce que vous vivez du marathon?
(il rit) Non non non, pour moi ce n'est pas
une profession.
Vous n'avez jamais pu vivre de votre passion?
non, ça n'apporte pas plus que la fatigue, il
faut faire quelque chose à côté parce que.. C'est vrai que j'en ai
profité un petit peu, je ne le cache pas et je ne crache pas dans la
soupe, mais ce n'est pas un sport dont on peut vivre, on ne peut pas
nourrir une famille avec.
En ce moment vous travaillez?
je cherche, j'ai un diplôme mais il n'est pas
homologué. je prépare un diplôme d'éducateur sportif en ce moment mais
je ne l'ai pas encore entièrement. j'ai un diplôme de géomètre
topographe mais il est pas homologué ici, je l'ai eu au Maroc. Sinon j'ai
fait pas mal de CES des trucs comme ça..
Votre avenir vous le voyez en France ou au
Maroc?
Je le vois en France, mais bon je ne sais pas
où (rires). Mais bon moi je suis bien en Bretagne, j'ai pas de problème
ici, à part la stabilité du travail tout va bien, je suis content et
très bien ici, bien adopté, et voilà...
Et si j'ai bien compris vous allez continuer
encore à courir longtemps?
Sincèrement, ça peut arrêter d'un jour à
l'autre parce que là en ce moment je n'ai pas de famille mais je pense
que ça s'arrêtera quand j'aurai une petite famille, et je pense que je
ferai concilier le sport en fonction de la famille. Mais bon moi je suis
un vétéran, c'est du passé, c'est fini pour moi d'avoir des ambitions.
Enfin je ne dis pas que je suis fini mais je n'ai aucune prétention. Je
reste dans le sport mais sans trop rêver quoi.
Et pour 2004 vous avez programmé vos
objectifs ou faites-vous au coup par coup?
Là je suis à la recherche d'un boulot tout
d'abord et après on verra. Je ne sais pas les courses que je vais faire,
je ne suis pas quelqu'un qui prend les calendriers et qui programme en
disant je vais faire ça, je vais faire ça, je prends les choses comme
elles viennent. De toute façon ma priorité maintenant c'est trouver un
boulot, avoir une petite famille et inch allah comme on dit!!
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