La course:
14 heures, les voilà partis entourés d'une nuée d'officiers à
cheval et de cyclistes, et suivis d'une carriole transportant des
médecins et des médicaments. Les 10 premiers kilomètres ils resteront
craintivement groupés, passant devant des femmes qui se signent
furtivement. Les hommes eux offrent du vin en guise de réconfort, ce qui
ne va pas arranger les problèmes de chaleur comme nous allons le
voir. A partir de là la course va se décanter et c'est le
français Lermusiaux qui est le plus téméraire, devançant l'australien
Flack et l'américain Blake. La double victoire de Flack sur 800m et 1500m
lui fait dire des autres concurrents du marathon: "ils ont tous la
trouille de moi!!". Spiridon Louys le Grec passe avec plusieurs
minutes de retard, allerté par les paysans de son retard il réplique
alors: "Ne vous inquiétez pas. Je les rattraperai et les battrai
tous!!". Cependant à l'avant Lermusiaux fait une belle impression à
tel point qu'au village de Karvati où on a dressé un arc de triomphe, il
reçoit sur la tête une courronne d'olivier qui lui accorde
prématurément la victoire. Car voici que la route monte, peu après le
trentième kilomètre il arrête et son compatriote Alphonse Grisel, qui
le suit à bicyclette, lui passe un onguent sur les jambes. Bientôt, il
repart mais son rythme est cassé, ses muscles tenaillés par des crampes,
et Flack le dépasse inexorablement, puis c'est au tour de Louys qui
devient alors deuxième.
Louys a fière allure, il rattrape l'australien, du 33ième au
36ième kilomètre, Flack se maintien à moins de 20 mètre du Grec, pour
parvenir à le lâcher Louys devra sprinter brièvement, c'est alors que
Flack se met à vaciller dangereusement avant d'aller rejoindre Lermusiaux
dans la position horizontale. Il reste moins de 4km et Louys devance de
très loin son compatriote Vassiliakov et le hongrois Kellner.
Spiridon Louys, un berger?
Agé de 23 ans, haut de 1m60, la légende veut qu'il ait entendu
parler des jeux en faisant paître son troupeau de moutons dans la
campagne ceinturant Athènes, et qu'il se soit préparé de façon
mystique par le jeûne et la prière. En vérité on ne sait pas trop si
Spiridon Louys passait l'essentiel de son temps à suivre un troupeau de
mouton ou à courir les chemins pour porter des lettres. Une troisième
version prétend qu'il était porteur d'eau et qu'il prépara sa victoire
en courant depuis son jeune âge derrière un âne guidé par son père.
Toujours est-il que pendant son service militaire, Spiridon Louys,
cinquième enfant d'une famille aussi pauvre que nombreuse, aurait servi
dans le premier régiment grec d'infanterie sous les ordres du colonel
Papadiamantopoulos en faisant preuve d'une grande endurance au cours des
exercices de marche. la ville d'Athènes ayant été choisie pour
accueillir les premiers jeux Olympiques, ce colonel, qui appartenait au
comité d'organisation, aurait persuadé Louys de prendre part au
marathon.
Un succès libérateur pour le peuple Grec
Selon certains témoignages, la foule rompit les barrières et
envahit le stade. des colombes furent lâchées. Les deux princes
escortèrent le vainqueur, encore tassé par la fatigue, pendant qu'il
accomplissait son tour de piste. Le roi Georges l'aurait serré dans ses
bras. Qu'importe l'authenticité de tout cela, le principal tenait dans
les faits qu'un Grec avait gagné et que le marathon olympique avait connu
un succès colossal. un succès que rien ne pouvait entamer et qui fut
sans doute pour beaucoup dans le maintien de l'épreuve au programme des
jeux suivants vu le nombre dramatique de concurrents tombés tout au long
des 40 km du parcours et du scandale provoqué par un grec arrivé 3ième
mais qui fut déclassé suite aux protestations du hongrois Kellner car
Vélokas s'était fait porter sur une charrette une bonne partie du
parcours.
Spiridon Louys est lui devenu l'objet d'une véritable vénération
et un motif de réjouissance, Athènes s'embrasa et des fanfares
sillonnèrent la ville, des feux d'artifice éclatèrent, un véritable
délire. On ne sait pas si Louys put profiter de tous les cadeaux qui lui
furent promis avant ou après la course. Une statue lui fut dressée au
stade panathénaïque et il ne courut jamais plus, ne pouvant plus être
considéré comme amateur, disent les mauvaises langues, tant il reçut de
cadeaux. On ne retrouve sa trace que 40 ans plus tard, alors qu'invité
aux jeux de Berlin, il défila en tête de la colonie Grecque, porteur du
drapeau national, après avoir pris part au relais de la flamme olympique,
il monta même tête basse jusqu'à la tribune officielle pour remettre à
Hitler, qui le congratula (photo), un plan d'olivier. Sa mort surviendra
le 25 mars 1940 à la suite d'une crise cardiaque. Ses obsèques,
célébrées en présence de plusieurs milliers de personnes, furent
prises en charge par l'Etat. La légende était en marche, pour longtemps,
pour toujours... |