londres 1948

1948: LONDRES: La malédiction frappe encore dans le stade.

DATE VAINQUEUR AGE PARTANTS ABANDONS
samedi 07 août à 15h Delfo Cabrera (Argentine) 29 ans 41 de 21 pays 11 (26,83%)
Londres accueille les JO pour la deuxième fois et on a tous en mémoire l'arrivée dramatique de l'Italien Dorando Pietri en 1908 qui échouait tout près de la ligne, s'effondrant de fatigue et ne pouvant pas franchir la ligne d'arrivée alors qu'il était entré en tête dans le stade et que plus rien ne semblait devoir l'empêcher de gagner. Ce moment inoubliable nous avait alors appris qu'un marathon n'est gagné qu'une fois la ligne d'arrivée franchie.. Les JO de 1948, premiers jeux après la coupure de la guerre, vont nous resservir le même final à quelques nuances près, le malheureux Belge Gailly finira par franchir la ligne d'arrivée, mais pas en vainqueur alors que son entrée en tête dans le stade laissait là encore supposer que la victoire était acquise. Mais que le marathon peut-être parfois cruel comme nous allons encore le voir.

Le parcours du marathon de Londres en 1948 n'est pas le même que celui de 1908, il est plus difficile, consistant en un aller et retour, décrivant une boucle de 20km à son extrémité, il comportait de nombreux virages et de non moins nombreuses bosses, de plus il était exposé à un vent assez fort ce qui n'arrange pas les choses comme on s'en doute.

Cabrera double Gailly si près du but!!

L'entraîneur d'Etienne Gailly, le héros belge de cette course, lui avait donné  pour  son premier marathon (il avait fait plusieurs courses de 32km de façon victorieuse) un plan de marche très précis que ce dernier avait l'intention de respecter à la lettre. C'est ainsi que très rapidement Gailly se retrouve en tête à sa plus grande surprise. Parmi ses principaux concurrents on trouvait le coréen Yun Bok Soh qui détenait la meilleure performance mondiale en 2h25'39", les américains Ted Vogel et John Kelley, les vainqueurs de Boston le canadien Gérard Côte et le Grec Kyriakides, le sud Africain Coleman et bien sur les finlandais Kurikkala, Hietanen et Heino. Les anglais chez eux sont aussi redoutables.

Certes Gailly est étonné d'être si tôt en tête de la course mais il décide de respecter son plan de marche et de poursuivre son effort au rythme qu'il s'est fixé et qui est censé l'amener sur les bases de 2h30'. De 12" au 10ième km, il prit 27" à la mi-course puis 40" au 25ième kilomètre.

Son avance sera alors à son maximum et les autres vont commencer à revenir de l'arrière, à commencer par le Coréen Yun-Chill Choi qui le double au 32ième km, imité peu de temps après par les argentins Guinez et Delfo Cabrera et le gallois Thomas Richards. Gailly semble avoir perdu la course à ce moment là d'autant plus qu'il ,n'arrive pas à accrocher les wagons qui passent. Mais il ne s'affole pas et va retrouver un second souffle qui va lui permettre de rattraper un à un ses rivaux, d'abord Richards puis les Argentins et notamment Cabrera le plus fringant des deux. Il se retrouve second et ne sait pas alors que devant le coréen a eu une terrible défaillance qui va l'obliger à abandonner la course, et finir couché dans un fossé. Gailly apprend qu'il est en tête peu avant de pénétrer dans le stade, averti par les escrimeurs belges. C'est au moment de rentrer dans le stade que sa défaillance va avoir lieue, terrible défaillance aussi subite qu'imprévisible, a-t-il fait trop d'effort pour remonter ses rivaux commettant par là une erreur en accélérant trop soudainement pour les lâcher? Les 24000 spectateurs se dressent pour ce final qui leur rappelle celui de Pietri, Gailly courageux tente d'avancer mais il a des boulets aux pieds, et mettre un pied devant l'autre lui demande un effort surhumain. Derrière l'Argentin Cabrera arrive avec un bon rythme et il double le Belge sans un regard à 250m de la ligne. Quand Cabrera franchit la ligne en vainqueur dans un superbe temps, il reste 150m à faire à Gailly, les secondes qui passèrent durèrent une éternité, la mécanique grinçante de son corps recommence à bouger en titubant, encore 120m et c'est au tour du britannique Richards de le doubler, le troisième britannique de suite classé second du marathon olympique depuis 1932 (mais les britanniques attendent encore leur première victoire). Plus que 100m, 80m, la ligne droite n'en finit pas, la souffrance du Belge est interminable, il s'arrête à trente mètres de la ligne, son entraîneur, Mr Alavoine, lui fait de grands gestes, et Gailly repart tout doucement pour finalement franchir la ligne en troisième position et s'effondrer. Evidemment il ne sera pas sur le podium, occupé qu'il était à récupérer de sa défaillance et surveillé à l'hôpital, mais ce fut finalement sans conséquence pour sa santé.
Un vainqueur de qualité

La défaillance du Belge n'enlève rien au vainqueur l'Argentin Delfo Cabrera, vainqueur en 2h34'51" dans le premier marathon de sa carrière et dans des conditions difficiles, il reçut en cadeau suite à cette victoire une maison de la part du gouvernement Argentin. Ses compatriotes 5ième et 9ième, les argentins avaient réalisé une superbe prestation collective, et Cabrera est donc le second Argentin après Zabala à inscrire son nom d'un marathon olympique, pas mal pour ce pays!! Né le 12 novembre 1919, il avait commencé sa carrière en 1938, troisième du 3000m des championnats d'Amérique du Sud en 1941 en 8'48", il s'était par la suite aligné sur des distances supérieures jusqu'au semi marathon. Pompier à Buenos-Aires, il gagna encore le marathon des premiers jeux panaméricains en 1951 et se classera 6ième des jeux d'Helsinki en 1952 avec un record personnel de 2h26'42". Ayant mis fin à sa carrière en 1957, il devint président du Comité Olympique Argentin avant de mourir dans un accident de voiture le 02 août 1981.

Qu'est-il arrivé à Gailly?

Parmi les explications données pour expliquer la terrible défaillance du Belge, on a évoqué le manque d'hydratation (il faisait relativement chaud ce jour là). Gailly a déclaré: " Je ne sais pas à quoi attribuer cette défaillance totale et soudaine. D'autant que je n'avais jamais ressenti pareil malaise. Etais-ce le froid du tunnel que nous dûmes traverser avant d'entrer sur la piste, ou la soif qui me faisait souffrir? Je ne sais. toujours est-il qu'au moment où je posais le pied sur la cendrée, je sentis la fatigue me tomber dessus comme si j'avais pris un somnifère puissant. J'ai su que j'allais être rejoint et dépassé. Ce dernier tour fut pour moi un long martyre, j'étais horriblement faible, je me suis presque évanoui, surtout à cause des crampes qui me tenaillaient l'estomac. Cabrera et Richards me doublèrent comme dans un mauvais rêve. Je n'avais plus de force pour lutter. ce que je voulais par dessus tout, c'était sortir du gouffre de ma faiblesse pour atteindre cette maudite ligne d'arrivée qui semblait si lointaine."

Une autre explication a été donnée par son entraîneur: " Je suis de l'avis du médecin qui l'examina au vestiaire: il a du subir une intoxication provoquée par un enduit gras et huileux dont un soigneur s'était servi pour le masser avant l'épreuve, craignant la pluie qui menaçait. Comme il ne plut pas, les pores de la peau ne purent respirer normalement à cause de cette embrocation, d'où une intoxication lente. Je ne vois pas d'autres explications."

Toujours est-il que Gailly quelques semaines après obtenait de bons résultats aux courses auxquelles il participait. La suite de sa carrière se déroula sans encombre, après avoir battu les records de Belgique des 20km et des 30km en 1949, il se classa 7ième du marathon des championnats d'Europe de Bruxelles en 1950. Les jeux olympiques d'Helsinki eurent lieu sans lui, le lieutenant parachutiste Gailly s'était en effet porté volontaire pour aller combattre en Corée. Le 13 octobre 1951, il marcha sur une mine. Soigné dans un hôpital de Tokyo, il y resta 6 ou 7 mois, tentant au grand ahurissement des médecins, de courir avec ses béquilles. Mais ses blessures l'empêchèrent à tout jamais de reprendre la course à pied. Finalement cet homme de caractère, qui avait affronté cent fois la mort depuis son engagement dans la résistance et dont on a pu dire qu'il fut le "st Exupéry du marathon", mourut en 1971, renversé banalement par une voiture.

CLASSEMENT GENERAL
PLACE NOM PRENOM NATIONALITE TEMPS
1 Cabrera Delfo Argentine 2:34:51
2 Richards Tom Grande-Bretagne 2:35:07
3 Gailly Etienne Belgique 2:35:33
4 Coleman Johannes Afrique du Sud 2:36:06
5 Guinez Eusebio Argentine 2:36:36
6 Luyt Sydney Afrique du Sud 2:38:11
7 Ostling Gustav Suède 2:38:40
8 Systad John Norvège 2:38:41
9 Sensini Alberto Argentine 2:39:30
10 Larsen Henning Danemark 2:41:22
11 Heino Viljo Finlande 2:41:32
12 Melin Anders Suède 2:42:20
13 Kurikkala Jussi Finlande 2:42:46
14 Vogel Théodore Etats-Unis 2:45:27
15 Imostroza Arancibia Enrique Chili 2:47:48
16 Evans Lloyd Canada 2:48:07
17 Cote Gérard Canada 2:48:31
18 Kyriakidis Stylianos Grece 2:49:00
19 Kiss Jozsef Hongrie 2:50:20
20 Koru Sevki Turquie 2:51:07
21 Kelley John Etats-Unis 2:51:56
22 Schiesser Klauss Suisse 2:52:09
23 Fedorick Walter Canada 2:52:12
24 Manninen Ollie Etats-Unis 2:56:49
25 Hong Chong-Oh Corée 2:56:52
26 Mulvihill Paddy Irlande 2:57:35
27 Bok-Suh Yun Corée 2:59:36
28 Kakansson Sven Suède 3:00:09
29 Jutz Jacob Suisse 3:03:55
30 Jones Stan Grande-Bretagne 3:09:16

LES AUTRES JO