melbourne 1956

1956: MELBOURNE: Mimoun entre dans la légende

DATE VAINQUEUR AGE PARTANTS ABANDONS
samedi 1 décembre à 15h13 Alain Mimoun (France) 35 ans 46 de 23 pays 13 (28,26%)
Melbourne est un nom magique pour tout les marathoniens français, celui de la ville qui a vu la victoire d'Alain Mimoun, un homme d'exception comme il y en a peu, un homme qui est entré dans la légende avant d'être mort, un homme qui encore sait donner l'exemple en incitant les jeunes à faire du sport.

Alain Mimoun est au Telagh en 1921. Il débute la course à pieds à Bourg-enBresse à l'occasion de son service militaire; il a 19 ans. Mais la guerre va différer le déroulement de sa carrière sportive... Replié en Afrique du Nord avec son régiment de Tirailleurs Algériens, il prend une licence au Gallia Sports Algérois et commence à cumuler de très nombreuses victoires dans les principales épreuves de la région.
Il a déjà 25 ans lorsqu'il est rendu à la vie civile ; une carrière exceptionnelle et incomparable commence malgré une jambe gauche hachée par trois éclats d'obus lors de la bataille de Cassino, en Italie.
Licencié en métropole, sous les couleurs du Racing Club de France, il devient en 1947 champion de France du 5.000 m. Il s'entraîne tous les jours sur 6 à 7 km, dès 6 h du matin avant de prendre son travail qu'il termine fort tard. Le 16 août de la même année, au cours du match Tchécoslovaquie-France, il rencontre pour la première fois celui qui devait devenir son grand rival mais néanmoins ami Émile Zatopek.
Au cours de cette réunion, Mimoun failli être doublé par le grand champion tchécoslovaque dans le 5.000 m.
En 1948, aux Jeux Olympiques de Londres, il termine deuxième derrière le même Zatopek et obtient la même place sur 10.000 m, toujours derrière le champion tchèque.

Il remporte le Cross des Nations en 1949, 1952, 1954 et 1956 en devançant un autre grand champion français Raphaël Pujazon. Devenant moniteur d'éducation physique dans un lycée parisien, il bénéficie de meilleures conditions pour s'entraîner et sera deuxième du championnat d'Europe en 1950 sur 5.000 m toujours derrière Zatopek mais avec la satisfaction d'avoir battu d'une poitrine, le champion de la distance, le beige Gaston Reiff.
Aux jeux olympiques d'Helsinki, en 1952, sur 5.000 et sur 10.000 m les résultats sont identiques second derrière l'éternel Emile Zatopek, son grand rival et ami mais l'écart entre eux diminue... Au cours de ce mémorable 5.000 m, illustré par l'abandon dramatique de Gaston Reiff, Mimoun avait eu la possibilité de gagner à la sortie du dernier virage s'il avait saisi sa chance...

 Au sujet du 5000m d'Helsinki, Mimoun a dit: " je n'étais pas fâché d'avoir perdu cette course car si j'avais gagné, je n'aurais pas fait le marathon de Melbourne, et je n'aurais pas été champion olympique".

Mimoun avait caché à tout le monde qu'il désirait faire ce marathon, et lorsqu'il annonce la nouvelle beaucoup de monde rigolait, trop âgé (35 ans à l'époque), il est fini, il n'a jamais fait de marathon et il commence par un marathon olympique, on met aussi en avant son inconscience ou sa prétention. Seul son ami et rival Emil Zatopek le prend au sérieux, lui disant: " je n'ai pas peur de Mihalic, mais les russes m'inquiètent... Les russe et toi!!" Aucune phrase ne pouvait faire plus plaisir à Mimoun, lui qui avait toujours subit la loi du Tchéque, finissant à chaque fois dans l'ombre de ce formidable athlète. Aussi chaque marque d'estime de Zatopek est pour Mimoun une grande fierté car leur rivalité ne les a pas séparé bien au contraire, ils sont de grands amis et s'estiment.. Pourtant Mimoun s'était bien préparé et avait montré sa forme en battant le record de l'heure à Alger, réalisant 19km078m.

Mimoun lui voyait plusieurs signes favorables à sa réussite avant le départ de la course:

- D'abord il apprend la naissance de sa fille par télégramme la veille de la course, ce qui va le perturber une bonne partie de la nuit, dont il dit pourtant s'être levé frais comme un gardon. Le télégramme disait maman et enfants vont bien, le "s" à enfant lui avait fait posé maintes questions dont il n'aura la réponse qu'au matin.

- le temps à Melbourne avait été particulièrement mauvais la quinzaine qui a précédé la course, mais le jour J comme par enchantement la chaleur (grosse chaleur) s'installe sur Melbourne, et Mimoun en est fort heureux, préférant largement ce temps là.

- Les Français qui ont remporté les marathons olympiques l'ont fait en 1900 et 1928, soit tous les 28 ans, donc 1956 devait confirmé l'adage "jamais deux sans trois".

- Enfin Mimoun portait ce jour là le numéro 13, un numéro qui devait lui porter bonheur.

déroulement du marathon:

Et maintenant la grande aventure est commencée après le seul faux départ qui ait eu lieu sur un marathon olympique... Au dixième kilomètre Zatopek a attaqué, suivi aussitôt des deux Russes Filine et Ivanov, de l'Américain Kelley et de Mimoun qui n'avait qu'une idée en tête: faire partie du premier groupe. Ce n'a été qu'une brève alerte. Voyant qu'il ne parvenait pas à distancer ses gardiens, le Tchèque s'est laissé rejoindre, et de nouveau le peloton est reformé. Pas pour longtemps. Filine attaque, puis Ivanov, puis l'ANGLAIS Clark. Aucun ne parvient à s'échapper ; mais ces escarmouches font une victime de marque : Zatopek, qui connaît une brève défaillance et décolle du groupe de tête.

23 kilomètres ...

L'Anglais Clark est en tête. Derrière lui Mimoun, qui sent que ses jambes tiennent et qui depuis le début a répliqué à toutes les attaques. Le regard rivé aux épaules de Clark, attentif à ménager ses forces, il court de la foulée sèche et précise qui lui a donné tant de victoires. Il entend dans son dos les souffles d'Ivanov, de Filine, de Karvonen, de Mihalic, de Kelley. L'allure est très rapide. 23 kilomètres en cinq quarts d'heure ! Les sept hommes qui tous peuvent prétendre à la victoire s'observent...

25 kilomètres...

Une côte se présente. "Surtout, n'attaque jamais en côte", ont dit à Mimoun les vieux marathoniens. Mais Mimoun, qui a soigneusement étudié le trajet, connaît cette côte, elle ne l'effraie pas. le jeune Américain John Kelley démarre séchement après lui avoir donné une tape dans le dos pour l'encourager à le suivre. il l'aimait bien Kelley, à l'entraînement il était toujours pendu à ses basques et une amitié muette s'était nouée entre eux. Pourquoi hésiter? il fallait l'accompagner, d'autant que les autres n'avaient pas réagi. Un peu plus loin, l'Américain relâcha son effort. Mimoun prit le relais, il avait trouvé sa rampe de lancement.

30 kilomètres...

Depuis 5 kilomètres Mimoun est seul. Des deux côtés de la route les spectateurs se pressent et son passage soulève une traînée ininterrompue d'acclamations. Mimoun s'en passerait volontiers. Ces cris l'étourdissent. Ces admirateurs trop zélés, qui lui laissent tout juste le passage, lui donnent l'impression d'étouffer. Il arrache le mouchoir trempé de sueur qu'il s'était fixé sur la tête pour se protéger du soleil ; il serre les dents et soudain sent un malaise trop bien connu l'envahir. La défaillance... Les jambes qui se raidissent et font mal, la gorge qui se serre, les poumons qui semblent incapables de respirer, le sang qui cogne à grands coups dans le crâne et cette envie terrible, presque irrésistible de s'arrêter, de se laisser tomber sur le bord de la route et de mettre fin à la souffrance...Entre les rayons du soleil qui avaient fait monter la température à 36°,il vit des mirages. Dans son hallucination, il crut passer sous un pont qui se trouvait à un kilomètre du stade: "mais ce n'est pas possible, je vais être champion olympique, ils ne pourront pas me rattraper là, ce n'est pas possible!!" Après le pont, il y avait une bosse qui lui semblait interminable, le ton changea: "salaud, tu n'es pas arrivé. Tu ne vas pas lâché si près du but! tu te rends compte!! Si près du but!!". En fait de pont, celui sous le lequel il venait de passer était à 12km de l'arrivée!!

Mais Mimoun ne s'arrêtera pas. Il ne laissera pas échapper la victoire qu'il sent à sa portée, il n'abandonnera pas la médaille d'or que par trois fois Zatopek lui a ravie...

38 kilomètres...

La défaillance a passé. L'énergie de Mimoun a eu raison de la fatigue et les nouvelles qu'on lui crie de toutes parts fouettent son courage. ses adversaires sont loin. Mihalic et Karvonen ont plus d'une minute de retard et Zatopek est à deux minutes et demie !

Mimoun sent ses forces renaître comme par miracle. Sa foulée est aussi aisée que 20 kilomètres plus tôt. Il regarde attentivement la route, évite soigneusement les trous, écarte d'un geste bref les officiels qui l'approchent de trop près... 41 kilomètres, 42 kilomètres... Le stade ! Sûr de lui, Mimoun franchit la porte, reçoit sans qu'un muscle de son visage ne bouge la rafale d'acclamations qui salue son apparition et, accélérant encore, s'élance pour le tour de piste final. Le stade entier, dressé, voit le maillot bleu couper le fil.

Sitôt la ligne franchie en 2h25', on voulut jeter une couverture sur ses maigres épaules, on lui présenta des boissons chaudes, d'un geste nerveux il refusa tout. Ce qui lui importait c'était de savoir où était son ami Zatopek. Mihalic était second, Karvonen troisième (les finlandais seront premiers par équipe, les suédois second, ce qui est paradoxal vu la chaleur qui régnait sur Melbourne). Finalement zatopek arrive en sixième position et s'effondre sur la pelouse. Il restera ainsi agenouillé d'interminables secondes, la tête contre le sol, et quand il se releva ce fut pour se diriger vers Franjo Mihalic, qu'il croyait être le vainqueur. Mimoun se précipita:

- Tu ne me félicites pas, Emil?

- Quoi?

- Je suis champion olympique. C'est moi qui ait gagné le marathon.

Alors Zatopek se transforma instantanément. Il se mit au garde-à-vous, enleva sa casquette et dit: " Alain, je suis heureux pour toi." Ils venaient d'être réunis dans la même course pour la dernière fois, et quand Zatopek mourut le 21 novembre, la fédération française d'athlétisme eut la délicatesse de déléguer son vieux rival à ses obsèques à Prague. "je viens de perdre un frère" dit-il plein de tristesse.

Mimoun quand à lui refera le marathon olympique en 1960, il franchira la ligne d'arrivée mêlé à un groupe de coureurs. Personne ne s'occupera de lui. Mimoun ne s'en étonnera pas, à quarante ans, il s'était engagé dans le marathon sans se faire d'illusion, simplement parce qu'il estimait devoir défendre son titre. Belle mentalité que celle de Mr Mimoun!!

Il arrêtera définitivement sa carrière internationale en 1966, à 45 ans, avec à son actif 33 titres de champion de France, 84 sélections en équipe de France et 20 records nationaux de battus. Aujourd'hui à 83 ans il continue de courir, alternant footings de 10-15km et marche athlétique, et participant à de nombreuses manifestations où il prêche la bonne parole. Il revendique son bonheur d'être français, parle d'une sorte de prédestination à être un champion et est heureux d'avoir vécu sa vie pleinement. En 2002, il inaugurait le 50ième stade portant son nom...

Je vous propose de lire maintenant une interview intéressante paru dans le journal de la haute Marne en 2002, interview où il parle de son marathon de Melbourne et aussi où il parle de lui et de sa philosophie.

                       INTERVIEW DE 2002 (apparaîtra dans une autre fenêtre)

CLASSEMENT GENERAL
PLACE NOM PRENOM NATIONALITE TEMPS
1 Mimoun Alain France 2h25'
2 Mihalic Franjo Yougoslavie 2h26'32"
3 Karvonen Veikko Finlande 2h27'47"
4 Chang-Hun Lee Corée 2h28'45"
5 Kawashima Yoshiaki Japon 2h29'19"
6 Zatopek Emil Tchécoslovaquie 2h29'34"
7 Filine Ivan Russie 2h30'37"
8 Nyberg Evert Suède 2h31'12"
9 Nilsson Thomas Suède 2h33'33"
10 Oksanen Eino Finlande 2h36'10"
11 Waide Arnold Suède 2h36'21"
12 Chung-Sik Choi Corée 2h36'53"
13 Kotila Paavo Finlande 2h38'59"
14 Davies Mercer Afrique du Sud 2h39'48"
15 Hicks Harry Grande Bretagne 2h39'55"
16 Hamamura Hideo Japon 2h40'53"
17 Richards Albert Nouvelle-Zélande 2h41'34"
18 Russell John Australie 2h41'44"
19 Beckert Lothar Allemagne 2h42'10"
20 Costes Nick Etats-Unis 2h42'20"
21 Kelley John Etats-Unis 2h43'40"
22 Aslam Mohammad Pakistan 2h44'33"
23 Gruber Adolf Autriche 2h46'20"
24 Vandendriessche Aurèle Belgique 2h47'18"
25 Ollerenshaw Keith Australie 2h48'12"
26 Myitung Naw Birmanie 2h49'32"
27 Kantorek Pavel Tchécoslovaquie 2h52'05"
28 Hartung Kurt Allemagne 2h52'14"
29 Feleke Bashay Ethiopie 2h53'37"
30 Rachid Abdul Pakistan 2h57'47"
31 Sum Kanuti Arap Kenya 2h58'42"
32 Birkay Gebre Ethiopie 2h58'49"
33 Hiroshima Kurao Japon 3h04'17"

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