Il remporte le
Cross des Nations en 1949, 1952, 1954 et 1956 en devançant un autre grand
champion français Raphaël Pujazon. Devenant moniteur d'éducation
physique dans un lycée parisien, il bénéficie de meilleures conditions
pour s'entraîner et sera deuxième du championnat d'Europe en 1950 sur
5.000 m toujours derrière Zatopek mais avec la satisfaction d'avoir battu
d'une poitrine, le champion de la distance, le beige Gaston Reiff.
Aux jeux
olympiques d'Helsinki, en 1952, sur 5.000 et sur 10.000 m les résultats
sont identiques second derrière l'éternel Emile Zatopek, son grand rival
et ami mais l'écart entre eux diminue... Au cours de ce mémorable 5.000
m, illustré par l'abandon dramatique de Gaston Reiff, Mimoun avait eu la
possibilité de gagner à la sortie du dernier virage s'il avait saisi sa
chance...
Au sujet du 5000m d'Helsinki,
Mimoun a dit: " je n'étais pas fâché d'avoir perdu cette course
car si j'avais gagné, je n'aurais pas fait le marathon de Melbourne, et
je n'aurais pas été champion olympique".
Mimoun avait caché à tout le monde
qu'il désirait faire ce marathon, et lorsqu'il annonce la nouvelle
beaucoup de monde rigolait, trop âgé (35 ans à l'époque), il est fini,
il n'a jamais fait de marathon et il commence par un marathon olympique,
on met aussi en avant son inconscience ou sa prétention. Seul son ami et
rival Emil Zatopek le prend au sérieux, lui disant: " je n'ai pas
peur de Mihalic, mais les russes m'inquiètent... Les russe et toi!!"
Aucune phrase ne pouvait faire plus plaisir à Mimoun, lui qui avait
toujours subit la loi du Tchéque, finissant à chaque fois dans l'ombre
de ce formidable athlète. Aussi chaque marque d'estime de Zatopek est
pour Mimoun une grande fierté car leur rivalité ne les a pas séparé
bien au contraire, ils sont de grands amis et s'estiment.. Pourtant Mimoun
s'était bien préparé et avait montré sa forme en battant le record de
l'heure à Alger, réalisant 19km078m.
Mimoun lui voyait plusieurs signes
favorables à sa réussite avant le départ de la course:
- D'abord il apprend la naissance de
sa fille par télégramme la veille de la course, ce qui va le perturber
une bonne partie de la nuit, dont il dit pourtant s'être levé frais
comme un gardon. Le télégramme disait maman et enfants vont bien, le
"s" à enfant lui avait fait posé maintes questions dont il
n'aura la réponse qu'au matin.
- le temps à Melbourne avait été
particulièrement mauvais la quinzaine qui a précédé la course, mais le
jour J comme par enchantement la chaleur (grosse chaleur) s'installe sur
Melbourne, et Mimoun en est fort heureux, préférant largement ce temps
là.
- Les Français qui ont remporté les
marathons olympiques l'ont fait en 1900 et 1928, soit tous les 28 ans,
donc 1956 devait confirmé l'adage "jamais deux sans trois".
- Enfin Mimoun portait ce jour là le
numéro 13, un numéro qui devait lui porter bonheur.
déroulement du marathon:
Et maintenant la grande aventure est commencée
après le seul faux départ qui ait eu lieu sur un marathon olympique...
Au dixième kilomètre Zatopek a attaqué, suivi aussitôt des deux Russes
Filine et Ivanov, de l'Américain Kelley et de Mimoun qui n'avait qu'une
idée en tête: faire partie du premier groupe. Ce n'a été qu'une brève
alerte. Voyant qu'il ne parvenait pas à distancer ses gardiens, le Tchèque
s'est laissé rejoindre, et de nouveau le peloton est reformé. Pas pour
longtemps. Filine attaque, puis Ivanov, puis l'ANGLAIS Clark. Aucun ne
parvient à s'échapper ; mais ces escarmouches font une victime de marque
: Zatopek, qui connaît une brève défaillance et décolle du groupe de tête.
23 kilomètres ...
L'Anglais Clark est en tête. Derrière lui
Mimoun, qui sent que ses jambes tiennent et qui depuis le début a répliqué
à toutes les attaques. Le regard rivé aux épaules de Clark, attentif à
ménager ses forces, il court de la foulée sèche et précise qui lui a
donné tant de victoires. Il entend dans son dos les souffles d'Ivanov, de
Filine, de Karvonen, de Mihalic, de Kelley. L'allure est très rapide. 23
kilomètres en cinq quarts d'heure ! Les sept hommes qui tous peuvent prétendre
à la victoire s'observent...
25 kilomètres...
Une côte se présente. "Surtout,
n'attaque jamais en côte", ont dit à Mimoun les vieux marathoniens.
Mais Mimoun, qui a soigneusement étudié le trajet, connaît cette côte,
elle ne l'effraie pas. le jeune Américain John Kelley démarre séchement
après lui avoir donné une tape dans le dos pour l'encourager à le
suivre. il l'aimait bien Kelley, à l'entraînement il était toujours
pendu à ses basques et une amitié muette s'était nouée entre eux.
Pourquoi hésiter? il fallait l'accompagner, d'autant que les autres
n'avaient pas réagi. Un peu plus loin, l'Américain relâcha son effort.
Mimoun prit le relais, il avait trouvé sa rampe de lancement.
30 kilomètres...
Depuis 5 kilomètres Mimoun est seul. Des deux
côtés de la route les spectateurs se pressent et son passage soulève
une traînée ininterrompue d'acclamations. Mimoun s'en passerait
volontiers. Ces cris l'étourdissent. Ces admirateurs trop zélés, qui
lui laissent tout juste le passage, lui donnent l'impression d'étouffer.
Il arrache le mouchoir trempé de sueur qu'il s'était fixé sur la tête
pour se protéger du soleil ; il serre les dents et soudain sent un
malaise trop bien connu l'envahir. La défaillance... Les jambes qui se
raidissent et font mal, la gorge qui se serre, les poumons qui semblent
incapables de respirer, le sang qui cogne à grands coups dans le crâne
et cette envie terrible, presque irrésistible de s'arrêter, de se
laisser tomber sur le bord de la route et de mettre fin à la
souffrance...Entre les rayons du soleil qui avaient fait monter la
température à 36°,il vit des mirages. Dans son hallucination, il crut
passer sous un pont qui se trouvait à un kilomètre du stade: "mais
ce n'est pas possible, je vais être champion olympique, ils ne pourront
pas me rattraper là, ce n'est pas possible!!" Après le pont, il y
avait une bosse qui lui semblait interminable, le ton changea:
"salaud, tu n'es pas arrivé. Tu ne vas pas lâché si près du but!
tu te rends compte!! Si près du but!!". En fait de pont, celui sous
le lequel il venait de passer était à 12km de l'arrivée!!
Mais Mimoun ne s'arrêtera pas. Il ne laissera
pas échapper la victoire qu'il sent à sa portée, il n'abandonnera pas
la médaille d'or que par trois fois Zatopek lui a ravie...
38 kilomètres...
La défaillance a passé. L'énergie de Mimoun
a eu raison de la fatigue et les nouvelles qu'on lui crie de toutes parts
fouettent son courage. ses adversaires sont loin. Mihalic et Karvonen ont
plus d'une minute de retard et Zatopek est à deux minutes et demie !
Mimoun sent ses forces renaître comme par
miracle. Sa foulée est aussi aisée que 20 kilomètres plus tôt. Il
regarde attentivement la route, évite soigneusement les trous, écarte
d'un geste bref les officiels qui l'approchent de trop près... 41 kilomètres,
42 kilomètres... Le stade ! Sûr de lui, Mimoun franchit la porte, reçoit
sans qu'un muscle de son visage ne bouge la rafale d'acclamations qui
salue son apparition et, accélérant encore, s'élance pour le tour de
piste final. Le stade entier, dressé, voit le maillot bleu couper le fil. |